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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/595

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du ministre de l’Intérieur et des Finances, S. E. Nguyen Huu Bai : maigre, petit, le regard extraordinairement vif, une grande bouche aux lèvres minces et moqueuses, il fait songer à quelque Voltaire asiatique ; parlant remarquablement le français, il se vante d’appartenir à une famille catholique depuis plus de trois cents ans : il passe à l’heure qu’il est pour l’un des plus puissants maîtres de l’Annam.

Ces fêtes nous ont permis de goûter le charme exquis de cette Cour : nous l’avons vue sous un ciel nuancé et animé de nuages qui nous a troublé comme un souvenir de France après l’implacable azur de la Cochinchine et du Siam : les couleurs retrouvaient ainsi leurs valeurs.

On traverse la rivière des Parfums et le pont des Eaux d’Or pour arriver au Palais enclos dans son enceinte sacrée : il est composé de salles mystérieuses aux nombreuses colonnes toutes décorées d’une laque rouge et d’or, de cours pavées embellies de brûle-parfums, d’urnes funéraires ou de vases bleus où sommeillent des arbres nains de jardins contournés et précieux. Tous les figurants de ce palais, les mandarins et les princes en belles robes cuivre ou rouges, ont conservé les vieux costumes, en sorte que rien de moderne ou d’étranger ne heurte l’harmonie de ce cadre précieux.

Le Maréchal a visité les tombeaux royaux de Tu-Duc, de Thien-Tri et de Minh-Mang : cette promenade dans un paysage exquis de coteaux et de bois laisse un parfum délicat de mélancolie et de beauté. On sait qu’en Annam, chaque Empereur choisit, de son vivant, le lieu où il sera enterré. Tous ont recherché des sites ravissants ou grandioses où ils ont fait construire de véritables cités composées de jardins, de pagodes, d’étangs, de palais endormis dans le silence, où leurs femmes et leurs serviteurs se cloîtrent après leur mort pour s’y consacrer au culte de leur mémoire.


4 janvier.

360 kilomètres d’auto de Hué à Vinh par l’excellente et magnifique route mandarine toute décorée : dans les villages, on ralentit un peu pour admirer les arcs de triomphe et les beaux meubles de pagodes amenés le long des routes ; les enfants des écoles agitent de petits drapeaux tricolores en criant : « Vive le maréchal Joffre ! »