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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/745

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UN JARDIN SUR L’ORONTE.

sans précaution à tes exigences insensées. Avec ses seuls moyens, elle a su dépasser l’esclavage et reconquérir le diadème que tu avais laissé tomber. Cela ne va pas sans ménagements, ni habileté.

GUILLAUME.

Je ne puis pas supporter cette contradiction qu’il y a dans son accueil et dans tes paroles. J’ai trop vu qu’elle s’accommodait d’une nouvelle vie.

ISABELLE.

Elle n’est pas faite pour mener une vie inférieure à celle des rois. Est-il dans vos vœux d’amoindrir celle que vous mettez au-dessus de toutes les femmes ?

GUILLAUME.

C’est un coup inattendu qui me frappe.

ISABELLE.

Tu pouvais bien le prévoir.

GUILLAUME.

Je ne le croyais pas. Je croyais que, quoi qu’il fût arrivé, elle avait son visage tourné vers moi seul avec une indomptable liberté.

ISABELLE.

Mais qu’une fille demeurât libre au milieu de tant de vainqueurs, c’eût été un miracle.

GUILLAUME.

Je croyais qu’elle serait ce miracle.

ISABELLE.

C’eût été la seule.

GUILLAUME.

Eh ! bien, oui, la seule ! N’est-elle pas unique ? Sa figure était d’or, d’argent, d’azur, de jeunesse, de pudeur, de plaisir tendre et de fierté, et tout à l’heure un flot de honteuse tristesse m’a flétri le cœur quand je l’aperçus. Elle m’était le paradis vivant, quelque chose au-dessus de la terre, une musique d’en-