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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/71

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Il se remarie. Et ce crime, n’est-ce pas, trouve sa mesure dans la mesure même de la fidélité que M. Dangennes avait vouée ou semblé vouer à Mme Varages ? N’allez-vous pas jusqu’à croire in petto que cette fidélité antérieure a pu n’être qu’une comédie ? Je vous entends protester : ce mot-là n’est pas de vous non plus. Ce sera donc moi qui oserai dégager votre pensée profonde, que vos allures véhémentes enveloppent d’une pénombre commode bien loin de les pousser en pleine lumière.

Une comédie, cette fidélité de trente ans, dont vous ne soupçonnez seulement pas le vrai sens, le vrai nom ! Mais d’abord, répondez donc à cette question : croyez-vous que cette comédie de fidélité eût jamais pris fin, si tous deux, M. et Mme Varages, avaient continué de vivre ?... Vous avez répondu. Vous ajoutez peut-être à votre réponse forcée que cela ne change rien à votre étonnement douloureux, que cela même l’augmente.

Et si Renaud Dangennes se fût marié à quelque Mme X. du vivant de M. Varages ? l’eussiez-vous honni ? quelle raison eussiez-vous avancée pour le honnir ? serait-ce la promesse qu’il avait faite à l’âge de vingt-cinq ans ? Mais quel caractère valable conserve aux yeux d’un homme une promesse de ce genre, faite par le jeune homme dans un moment où la douleur obscurcit le jugement ? est-ce à l’abandonné de payer indéfiniment les frais de l’abandon ? est-ce qu’il y a eu dans l’espèce une contre-partie qui liât M. Dangennes ? est-ce qu’Anne-Marie, — pour qui, notez-le, j’ai toujours partagé l’entière vénération de mon ami, — s’était cru liée par son propre amour ? avait-elle demandé l’exécution d’une promesse quelconque ? et quel juge assez rigoureux eût blâmé Renaud Dangennes de céder un jour aux conseils de la vie, à l’appel d’un bonheur réparateur qu’il méritait plus que tout autre et autant que Mme Varages ? est-ce Mme Varages elle-même qui l’en eût blâmé ? Non. Est-ce M. Georges Tréval ? Non. Est-ce vous ?...

Ici aussi, Larmechin, vous ne pouvez répondre que d’une seule manière. Et n’objectez pas que là n’est pas la question, que je me joue dans des hypothèses d’autant plus gratuites qu’elles s’égarent dans un passé périmé. Ces hypothèses comportent des solutions indubitables, qui devraient déjà vous ramener de votre état de passion unilatérale et fausse à un état de réflexion saine. Mais laissons. Et revenons-en au fait brutal, c’est-à-dire à cette fidélité de trente années, aujourd’hui réduite