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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/740

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Or, si l’on voit bien ici l’intérêt du commerce, on voit moins bien celui des porteurs de titres. Suivant des chiffres nécessairement approximatifs, la dette étrangère russe se répartit à peu près ainsi : 25 milliards à la France, 19 milliards à l’Angleterre, 3 milliards et demi à la Belgique, 3 milliards et demi à l’Allemagne, 5 milliards à la Suisse, à la Hollande et aux pays scandinaves, 2 milliards aux Etats-Unis. Nous avons donc avancé à la Russie pour son outillage économique ou pour sa défense nationale, 25 milliards de francs au pair, sur une dette étrangère de 58 milliards de francs environ, soit 43 p. 100 da cette dette. Il faudrait donc créer un organisme international chargé de contrôler tout le commerce russe et de prélever, sur le montant des importations et des exportations, ce qui est dû aux porteurs de fonds proportionnellement au montant de leur créance. Une telle organisation est-elle possible avec le Gouvernement bolchéviste ? Lénine a beau confesser l’erreur communiste, je ne crois pas qu’il se prèle à un pareil système, ni par conséquent que la Conférence projetée puisse être très utile à la France.

Quant à la non-immixtion des Soviets dans les affaires des affaires des pays étrangers, vous savez comment déjà elle est violée en Bessarabie.


AUTRICHE ET EUROPE CENTRALE

J’arrive au point vif de la politique européenne, la question d’Autriche et de l’Europe centrale.

Ai-je à rappeler comment, depuis deux siècles, la France a contribué à élever de ses propres mains la Puissance qui devait la vaincre en 1870 et devenir pour elle une perpétuelle menace ? Au lendemain de Sadowa, elle acclamait la victoire de la Prusse qu’elle appelait « la puissance libérale ». Elle ne voyait pas qu’elle venait de subir sans se battre le plus cruel échec qu’elle ait connu depuis Waterloo. 1866 était la préface de 1870 et, le lendemain, M. de Bismarck disait à un ambassadeur américain : « Maintenant, c’est le tour de la France : elle nous déclarera la guerre et Napoléon III sera renversé ». Or, qui eût pu croire, messieurs, que cet énorme contre-sens de notre histoire qui déjà nous avait coûté si cher, se poursuivrait à travers la guerre de 1914 ?