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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/898

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lentement de nouveaux corps à cette extrémité du front mal desservi par un réseau ferré très réduit), notre 2e corps de cavalerie (général de Mitry), amalgamé à deux divisions territoriales (les 87e et 89e), tient encore irréductiblement 8 à 10 kilomètres du front d’Ypres, pendant la plus dure des batailles.

Sans trêve, de l’Oise à la Mer du Nord et pendant deux mois, notre cavalerie mène la manœuvre, — avec des moyens dont il faut déplorer l’insuffisance, des escadrons réduits de moitié, l’armement rudimentaire d’une autre guerre : pas de baïonnette, pas d’outils, pas de matériel de liaison et seulement 90 cartouches par homme, une section de mitrailleuses par brigade, un groupe d’artillerie par division !... Ajoutons que, sous la pression des événements, la cavalerie prend l’initiative de se constituer des soutiens propres avec ses cavaliers démontés, et ce furent les premiers « groupes légers. »

Dans cette phase, nous ne parvenons pas à déborder l’ennemi ; car celui-ci, manœuvrant sur les lignes intérieures, peut amener à l’aile des forces supérieures à celles que nous y portons ; mais ses forces sont immobilisées, et le temps d’amener les nôtres est toujours gagné. Là où la cavalerie tire ses premiers coups de feu, à Chaulnes, Courcelles, Lorette, Sailly-sur-la-Lys, notre ligne s’accroche pour quatre ans. Les grands saillants du front, Arras et Ypres, c’est elle qui les a dessinés par ses résistances. Enfin, sa pointe au delà de la forêt d’HouthuIst permet l’arrivée et l’installation sur l’Yser de l’armée belge exténuée et, par elle, l’appui de notre gauche à la mer.

Pendant que la cavalerie opère ainsi, la bataille sur le reste du front continue ; l’arme à cheval n’a donc fait que jouer son rôle particulier dans la lutte générale ; mais seule, elle pouvait, grâce à sa mobilité, éclairer, couvrir, jalonner cette vaste manœuvre dont la réussite eut des conséquences incalculables :

Les Allemands échouent dans leur poussée sur Calais.

La Belgique, avec son armée, continue d’exister.

Les communications maritimes anglaises sont couvertes.

Le Nord de la France, Flandre, Artois, Picardie, est sauf.

Sur un parcours de 200 kilomètres à vol d’oiseau, nos forces ont été « conduites » en sûreté, d’une bataille à la suivante, de la Marne à l’Yser,

Période pleine d’enseignements. Toutes les fois que les forces armées seront insuffisantes en nombre, pour établir un