Qui veut sçavoir de quels traits Amour blesse,
Sans voir vos yeux trop prompts à martyrer,
Lise ces vers qu’habile il sceut tirer
De vostre esprit, digne d’une déesse.
Pensers, désirs, soupirs, feux et glaçons,
Sont les sujets de ces belles chansons,
Où seule à part vous retenez vostre âme.
Cœur n’est si froid qui n’en fût allumé ;
Cachez-les donc, ô mon mal bien-aimé !
Car sans les voir je n’ay que trop de flamme.
Nous commençons, cette lecture faite, à mieux connaître Madeleine de L’Aubespine. Ainsi donc, maîtresse — tout au moins idéale — de Desportes, Callianthe fut, comme son aînée Louise Labé, la « belle cordière » lyonnaise, un poète de l’amour. C’est là ce que vont nous confirmer les jolies « chansons » (entendons ce mot dans le sens très général qu’il avait au XVIe siècle, où presque toute la poésie se chantait, soit à plusieurs voix, soit à une seule soutenue par le luth ou la guitare) rimées par Mme de Villeroy.
Une bonne fortune m’a permis de les retrouver à la Bibliothèque nationale, sinon dans leur ensemble, du moins en nombre suffisant pour nous permettre de les apprécier. L’une d’elles figure, signée, dans le manuscrit français 1662 ; toutes les autres, accompagnées soit de deux V soit d’un M et d’un A entrelacés, dans le manuscrit français 1718 qui, en majeure partie composé de vers de Desportes et de Madeleine de L’Aubespine, a dû vraisemblablement appartenir au poète chartrain. Curieuses pour l’érudit, elles intéressent également tous les fervents de Ronsard, en leur révélant un écrivain gracieux, dont le mérite est au moins égal à celui de nombre de disciples imprimés et connus du grand Vendômois.
C’est en effet de ce dernier que se réclame notre Callianthe dans un sonnet assez bien venu où, en retour de ses éloges, elle lui témoigne une affectueuse et profonde admiration :
Tant de flamme et d’amour, dont tu vas allumant
La nuict de mes escriptz que ta Muse éternise,
Font que je me tiens chere, et me plais et me prise,
Car je ne puis faillir, suyvant ton jugement.