toute la partie irriguée de la Costa ; mais la vallée s’encaisse et le paysage devient bientôt assez sévère, car la ligne de verdure se réduit aux bords immédiats de la rivière. Mais nous nous élevons au-dessus de la zone nuageuse ; un clair soleil réjouit l’oasis de Chosica, lieu de plaisance où les Liméens viennent cherchera 800 mètres d’altitude une température plus fraîche, un air plus léger et plus pur à deux heures de la capitale, de bons hôtels et de plaisantes villas leur permettant de bénéficier d’un climat plus tonique que celui de la côte. Mais la voie s’enfonce bientôt dans des tranchées profondes, à travers des rochers abrupts. Par instants, elle grimpe sur le flanc de la montagne, franchit sur des ponts hardis les profonds ravins, perce en tunnel les arêtes rocheuses. Nous sommes bientôt en pleine Sierra, et les taches de verdure, toujours limitées aux bas-fonds, deviennent de plus en plus rares ; le soleil a donné aux rochers une patine d’un brun mat ; sur les pentes raides, une maigre végétation étend par places sa teinte fauve ; le paysage, de sévère, devient sauvage. L’horizon s’élargit ; dans l’atmosphère limpide, les contours fermes et nets se dessinent à perte de vue. Le spectacle prend une véritable grandeur.
A plusieurs reprises, la voie ferrée vient buter contre la paroi verticale d’une muraille absolument infranchissable : elle s’arrête brusquement sur une étroite plate-forme, et le train stoppe. La locomotive, qui l’a traîné en tête, le pousse alors en queue dans le sens opposé, sur une voie qui fait avec la première un angle très aigu et qui, par une pente régulière, le conduit sur une autre plate-forme où s’exécute la même manœuvre qui remet en tête la locomotive. On établit autant de terrasses qu’il est nécessaire pour gagner un terrain où cessent les zigzags et où le tracé peut se développer de nouveau en courbe, Au-dessus du village de San-Bartholomé, quatre terre-pleins s’étagent ainsi et paraissent accrochés sur une paroi verticale, J’ai entendu qualifier de rudimentaire et même de barbare ce procédé ingénieux et simple, qui nécessite évidemment un aiguillage à chaque terrasse, mais le tracé en lacets me paraît s’imposer ici absolument et je ne connais pas de meilleure solution à ce difficile problème.
Les pentes opposées de la vallée sont striées d’innombrables terrasses qui y tracent comme des courbes de niveau. Ce sont les Andenes des anciens Incas, dont les murs en ruines, élevés