Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/741

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le cadre français. Il est destiné et plié à notre vie traditionnelle. Laissons à des œuvres privées le soin d’adapter l’enseignement français aux besoins de la Syrie. Cela n’ira pas sans une série d’essais ratés. Or, le propre de l’État, c’est son incapacité échanger sa manière, qu’elle réussisse ou non. Dans ces milieux d’Orient que nous connaissons mal, la seule méthode sage, c’est de subventionner les congrégations qui y apportent une tradition, une sagesse acquise sur place et des méthodes contrôlées par l’expérience. Nulle difficulté de leur adjoindre la mission laïque. Mais que ce soit dans un esprit de collaboration. Nous mettons à la disposition des Syriens différentes formes d’enseignement. À eux de choisir.

Le temps de toucher barre à l’hôtel et de répondre à l’accueil si précieux que me font quelques compatriotes, — au premier rang, M. Marteau, le directeur des Chemins de fer, dont l’obligeance amicale va par la suite rendre possibles mes plus difficiles projets,— et tout de suite j’ai commencé à me promener dans l’Université Saint-Joseph. J’y ai vu avec enchantement les collégiens, les étudiants, les maîtres laïques, les religieux, les anciens élèves, les classes, les amphithéâtres de droit et de médecine, les cours de langues orientales, la bibliothèque, l’imprimerie, la chapelle. C’est un instrument complet, qui prend des enfants de toutes les races, dans l’âge de la formation de l’âme, et, sous l’action coopérante de notre science et de notre religion, entreprend de les repétrir, et par eux tout un monde. Le cœur me battait de plaisir. Je regardais les chefs de cette œuvre royale, si osée et si bien menée. Des figures ternes, ces jésuites, modestes, grisâtres, et leurs soutanes, bien vieilles, bien usagées. Je ne le dis pas pour diminuer de tels hommes et avec un manque de respect, car la pauvreté physique, matérielle, dans un tel trésor de spiritualité, c’est d’un contraste grandiose. Mais j’essaye de me rendre compte à moi-même de l’impression que m’a laissée cette petite équipe d’ouvriers, et cette impression s’accorde avec une phrase prononcée par le premier Consul, un jour que devant je ne sais quel architecture fameuse quelqu’un disait : « C’est triste ! — Oui, répondit-il, triste comme la grandeur. »

Ces Pères jésuites sont attachés à l’accomplissement d’un grand dessein, qu’ils exécutent en travaillant à l’envers de la tapisserie. Chacun d’eux est enfermé dans sa tâche étroite.