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catégoriques. Désormais, on ne pourrait plus accuser le général Loris-Mélikow de se complaire dans l’équivoque !… Après un court échange de vues, les directeurs de journaux se retirèrent, consternés. Pourtant, une certaine fierté se mêlait à leur consternation ; car c’était la première fois qu’un ministre du Tsar-Autocrate daignait admettre des journalistes à l’honneur de pareilles confidences.

Du jour au lendemain, le ton des feuilles libérales changea. Quelques-unes se défendirent d’avoir jamais propagé « des chimères et des fantaisies. » On retrouvait, chez toutes, le même accent de tristesse et de résignation.


Dans la sérénité de sa villégiature criméenne, l’Empereur ne cessait de réfléchir à tout ce que les temps prochains lui réservaient.

Son courage et son fatalisme ne l’empêchaient pas de se rappeler souvent comme sa vie était menacée. Quels attentats nouveaux les nihilistes préparaient-ils contre lui ? À force de le traquer, ne l’abattraient-ils pas ? Combien de fois Dieu le sauvegarderait-il encore ?

Sous cette impression, il voulut assurer dans l’avenir le sort matériel de sa femme et de ses enfants, qui ne possédaient aucune fortune personnelle. Il rédigea donc, le 23 septembre, ce testament :

Les titres de rente, dont la liste est ci-jointe et que le ministère de la Cour impériale, agissant en mon nom, a déposés à la Banque d’État, le 5 septembre 1880, pour le montant de trois millions trois cent deux mille neuf cent soixante-dix roubles (Rb : 3 302 970), sont la propriété de ma femme, Son Altesse Sérénissime la princesse Catherine-Michaïlowna Youriewsky, née princesse Dolgorouky, et celle de nos enfants.

C’est à elle seule que je donne le droit de disposer de ce capital, pendant ma vie et après ma mort.

ALEXANDRE.

Livadia, 11 septembre 1880[1].

Quelques jours plus tard, la police mit la main sur un lot

  1. 23 septembre [n. s.].