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de proclamations, que le comité exécutif du parti révolutionnaire faisait distribuer parmi les étudiants et les ouvriers. On y énumérait tous « les frères » qui avaient été condamnés à mort et exécutés au cours de ces derniers mois ; on leur décernait la palme du martyre ; on annonçait leur vengeance prochaine et terrible.

Le Césaréwitch et la Césarewna venaient précisément d’arriver à Livadia, pour un séjour de quelques semaines. L’Empereur savait qu’il ne s’adresserait pas en vain à la tendresse et à la conscience de son fils ; il n’hésita donc pas à lui recommander solennellement sa femme et ses enfants, dans l’hypothèse de sa mort. Alexandre-Alexandrowitch jura qu’il les protégerait toujours.

Alors, le Tsar joignit à son testament la lettre suivante, destinée au grand-duc héritier :


Livadia, 9 novembre 1880 [1].

Cher Sacha,

Au cas de ma mort, je te confie ma femme et nos enfants.

L’amitié que tu n’as cessé de leur témoigner du premier jour où tu les as connus et qui a été pour nous une vraie joie, me garantit que tu ne les abandonneras pas et que tu seras pour eux un protecteur et bon conseiller.

Tant que ma femme sera en vie, nos enfants devront rester sous son entière dépendance. Mais, si le bon Dieu voulait la rappeler à lui avant la majorité des enfants, je désire que le général Ryléïew soit nommé tuteur et même une autre personne à son choix et d’après ton consentement.

Ma femme n’a rien hérité de sa famille. Donc, tout ce qui lui appartient aujourd’hui, en biens, meubles et immeubles, a été acquis par elle-même ; ses parents n’y ont aucun droit et elle peut en disposer à son gré. Par prudence, elle m’a légué sa fortune entière et il a été convenu entre nous que, si j’avais le malheur de lui survivre, tous ses biens seraient partagés également entre nos enfants pour leur être transmis par moi, à leur majorité ou lors du mariage de nos filles.

Jusqu’à ce que notre mariage ait été déclaré officiellement, le

  1. 21 novembre [n. s.].