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l’auteur du Cid. Le moment allait venir où le cardinal devait marquer de façon plus éclatante encore sa bienveillance à l’égard de Corneille en arrêtant d’autorité la polémique devenue de plus en plus menaçante pour la personne du poète.


LES DERNIERS ÉPISODES DE LA QUERELLE DU CID

Pendant, en effet, que l’Académie écrivait ses Sentiments, l’échange des libelles entre les protagonistes n’avait pas cessé, et le ton s’était peu à peu élevé jusqu’à un degré de violence inouï. Les adversaires se livraient maintenant à des attaques infamantes, des allusions à des faits privés, des accusations d’indélicatesse, des calomnies voilées qui nous échappent, des vilenies. Scudéry aurait pu subir le reproche qu’il faisait à son adversaire d’avoir transformé « une dispute académique en une querelle de crocheteurs ! » De son côté, Corneille, qui avait perdu tout sang-froid, ne mesurait plus ses expressions. Il est regrettable que lui, fraîchement anobli, reprochât à Mairet ses trop humbles origines, sa pauvreté, et l’envoyât, comme il le lui disait brutalement, « dans les offices se saouler ; » à quoi Mairet ripostait avec fureur que Corneille était « insolent et grossier, » qu’il « repoussait du pied l’insulte d’un ennemi qui m’outrage publiquement parce qu’il est lâche ! » On voit le style ! De telles violences verbales ne pouvaient conduire qu’à des voies de fait. Elles y conduisirent. Les libelles annoncèrent que Corneille allait être « étrillé ». La Vérité du Cid en abrégé, libelle publié par M. Chardon dans sa Vie de Rotrou mieux connue, disait : « Cinquante coups de bâton bien appliqués seront justement la véritable suite du Cid. » Et l’auteur de l’Avertissement en forme de prédiction à très bredouillant poète comique messire Mathurin Corneille, annonçait que le poète allait recevoir cent coups d’étrivières.


Esprit de fange, âme de savetier,
Dont les parents ont mené la charrue,
Sans faire plus crier ton nom parmi la rue,
Reconnais ta bassesse et reprends leur métier.


Il était temps d’arrêter pareil scandale. Remarque essentielle : Richelieu n’était pas au courant. Les préoccupations dont nous l’avons vu obsédé à cette date expliquent suffisamment son ignorance. Dans sa lettre à Mairet, du 5 octobre 1637, Boisrobert