de famille. Vous connaissez le Père Meeus et le Père Pirsoul ?
— Non, monsieur Henry.
— Connaissez-vous MM. Van Dievoet, Lucas, Delange ?
— Oui, Monsieur.
— Qui a remis le gros paquet de Libre Belgique, avenue du Diamant ?
— Je l’ignore.
— Est-ce vous ?
— Non, monsieur.
Il me signale que j’aurais accompagné jusqu’à la frontière une équipe composée de deux Russes, d’Anglais et de Français.
— Ce n’est pas vrai.
M. Henry me fait remarquer que les accusations qui pèsent sur moi sont extrêmement graves, qu’il n’ose pas procéder aujourd’hui à mon interrogatoire définitif et le remet à demain.
— J’ai le courage, monsieur, d’assumer la responsabilité de mes actes ; jamais je ne dénoncerai un compatriote afin d’alléger ma peine, de sorte que je pourrai dire que, même dans l’adversité, je n’ai pas fléchi et je suis resté fidèle à ma parole. D’ailleurs voici ma devise : « Fais ce que dois, advienne que pourra… »
M. Henry m’a également dit :
— Votre femme est venue me trouver pour obtenir l’autorisation de vous voir ; dans l’interrogatoire qu’elle a subi, j’ai relevé plusieurs contradictions par le fait qu’elle a cherché à vous couvrir.
J’ai été heureux d’apprendre que ma chère femme s’est comportée avec une rare intelligence ; au cours du présent interrogatoire, mon inquiétude a été grande, car je craignais de la voir arriver avec mon linge et sa présence à la prison aurait pu fournir à M. Henry l’occasion de lui demander des explications au sujet des contradictions ci-dessus, ce qui m’aurait été très pénible.
Au cours de l’après-midi, on m’annonce une visite. Je me trouve en face de ma femme chérie et d’Yvonne… O joie !… L’émotion m’étreint, et, afin de ne pas les attrister, je fais un effort suprême pour ne pas pleurer. J’avais l’air joyeux et mon pauvre cœur pleurait… J’étouffais des sanglots, je retenais des larmes ; de temps en temps, une de celles-ci, écrasée par ma paupière, finissait par perler sur mes joues… ô douce larme…