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larme de joie… larme de bonheur !… Elles étaient là, toutes deux, anxieuses, inquiètes, les joues rouges comme des pommes et craignant sans doute de me voir apparaître pale, déprimé et triste, et j’ai souri, j’avais le rire sur les lèvres ; je les ai rassurées, je les ai trouvées plus belles et plus jolies et je ne pouvais assez les contempler ; mes yeux les dévoraient… Ô chère femme, jamais tu ne m’es apparue si ravissante : tu avais peut-être un peu maigri, mais aucun de tes traits charmants n’avait disparu ; tu étais pareille à la fleur qui, baignée de soleil, étale toute sa splendeur à la nature embaumée par son parfum. Puis je t’ai embrassée, mes lèvres ont déposé sur tes joues deux baisers, contenant ce que mon cœur a de plus tendre : je t’ai pressée contre ma poitrine, j’ai respiré ton haleine… et nous avons causé, nous avons échangé des paroles caressantes ; il me semblait que nous chantions un hymne d’allégresse, nous étions heureux pour quelques instants, nous avions pu nous encourager mutuellement, notre âme torturée s’était imprégnée d’espérance…

Enfin, j’ai reçu deux gros paquets remplis de friandises, de fruits, d’un tas de douceurs, et tu es partie, légère comme l’abeille qui s’en va butiner au loin, pour aller continuer ta mission sublime d’alléger et de rendre moins sombre la captivité de celui que tu aimes…

Dimanche. 5 septembre.

Je me trouvais au préau quand un soldat est venu me chercher pour l’instruction ; j’espère bien que cette fois il s’agira de l’interrogatoire définitif ; en effet, je renonce à donner la description de ce qui s’est passé : c’est toujours la même chose, ces messieurs m’accusent et moi je me défends comme un diable. Cependant je retiens une confrontation avec M. Cayron qui prétend avoir entendu les Pères Meeus et Pirsoul s’entretenir à mon sujet et le premier aurait dit à l’autre que je m’occupais de recrutement.

Je rentre après avoir été interrogé à peu près quatre heures, je suis fatigué, j’ai un tremblement nerveux qui m’agite. Les voisins m’encouragent. J’attends, j’attends, le soir arrive, sans qu’on soit venu me chercher. La suite de l’interrogatoire est de nouveau remise et la torture se prolonge, le calvaire devient de plus en plus long. L’incertitude sur l’importance et le bien