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Samedi, 25 septembre.

Hourrah ! hourrah ! Je viens de recevoir deux cartes à la fois, l’une de ma femme, l’autre de ma sœur ; me voici complètement réjoui, je danse, je saute, je ris…

Allons, murs tristes et froids, souriez donc, je suis heureux après les journées d’angoisse que je viens de passer, ces deux cartes me rassurent et me débarrassent définitivement du cauchemar relatif à l’arrestation de ma femme.

Mais ma joie est de courte durée et me voici douloureusement ému en apprenant par le journal que Baekelmans, architecte, et Franck, commerçant, tous deux habitant Anvers, et condamnés à mort pour espionnage, ont été fusillés. Ô Dieu, j’invoque ton aide ; illumine-moi, afin que je puisse chanter l’héroïsme sublime de ces deux héros morts pour la Patrie. Ô chers compatriotes, le prisonnier du lugubre 510, plongé dans la douleur et la consternation, vous adresse l’hommage de sa profonde admiration.

Avant l’événement fatal qui vous a livrés à vos bourreaux, vous étiez heureux, vous viviez en paix et bien tranquillement sur ce petit coin de terre où vous avez vu le jour, où vous avez grandi, où vous avez aimé, où la liberté embellissait votre vie, et brusquement la guerre éclate et ce monstre hideux, ce mangeur d’hommes qui exalte le crime, apparaît à l’horizon, traînant à sa suite les plus abominables monstruosités. Il envahit notre chère Belgique et vient briser nos beaux rêves et notre doux avenir ; mais une immense clameur monte du sol de la Patrie, et des hommes se lèvent afin d’aider ceux qui, là-bas, dans les tranchées, se sacrifient pour nous avec un courage qui ne cédera, ni ne se soumettra jamais. Oui, Baekelmans et Franck, vous étiez parmi ces hommes ; vous aviez décidé de ne point vous courber, car cela serait bas, cela serait une honte, et une ignominie au-dessous de tout. Personne ne vous obligeait à travailler pour la noble cause, et cependant vous n’avez pas hésité à vous lancer dans la tourmente en assumant un service difficile et dangereux, où vous compromettiez votre existence. Oui, vous avez entrepris cette tâche glorieuse et dans un péril égal à celui encouru par nos braves et valeureux petits soldats. Ô chers compatriotes, vous avez compris combien on se rend lâche en ne se dévouant point pour sa patrie et en restant impas-