Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - Table générale - 1831-1874.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
VI
INTRODUCTION.

conçu en 1831 un plan longuement mûri, d’après lequel la littérature, la critique, la politique, devaient acquérir en France une publicité analogue et au moins égale à celle que les revues anglaises, notamment la Revue d’Édimbourg, offraient depuis longtemps déjà aux hommes d’état et aux publicistes les plus éminens de la Grande-Bretagne. L’exécution de ce plan, amélioré par l’expérience, recevant à chaque période une extension nouvelle, a été poursuivie avec une persévérance qui s’est vue, après de longs sacrifices, récompensée par le succès. Depuis plus de vingt ans, si l’on ne tient compte que du nombre des lecteurs, la Revue des Deux Mondes est placée au premier rang parmi les recueils de ce genre en France et à l’étranger.

La publication de la Table complète des travaux de la Revue depuis sa fondation jusqu’en 1874 explique et justifie la faveur croissante du public. Elle oppose en même temps la réponse la plus décisive à quelques-unes des critiques qui ont été parfois adressées à la direction. Il a été dit que la Revue, avec la prétention de s’ériger en cénacle politique et littéraire, n’avait réussi qu’à former une coterie. On a reproché à la direction de ne point toujours laisser aux écrivains l’indépendance de la pensée, ni l’originalité de la forme, et de pratiquer le régime autoritaire dans la république des lettres. Or la Table contient les noms de sept cent cinquante écrivains venus pour ainsi dire de tous les points du monde, de tous les horizons littéraires, de toutes les régions politiques. Avec une hospitalité aussi large, où serait la coterie ?

Quant au second point, comment admettre que tant d’écrivains eussent fait le sacrifice de leur pensée, de leurs opinions, de leur style ? En littérature comme en politique, les idées les plus contraires ont trouvé accès dans la Revue. La discussion philosophique, les controverses religieuses, l’exposé des doctrines scientifiques, la critique d’art, les systèmes historiques, etc., y ont obtenu l’accueil qui est dû à l’indépendance et à la supériorité du talent. Il y a même un intérêt particulier de curiosité à rencontrer souvent dans la même livraison les articles d’hommes politiques, d’écrivains et de critiques, qui appartiennent aux écoles les plus opposées et que le hasard a momentanément rapprochés par un contact inattendu, non désiré peut-être, qui établit entre eux les liens d’une involontaire confraternité. N’est-ce point la plus sûre marque de la liberté qui est laissée aux opinions ? Tout en observant certaines règles générales à défaut desquelles une œuvre collective quelconque serait condamnée à périr, la direction de la Revue tient à honneur d’avoir toujours entendu respecter l’indépendance, c’est-à-dire la dignité des écrivains. Il lui est permis de ne point s’arrêter à des récriminations d’ordre secondaire, qui intéresseraient médiocrement le public. Il suffit que la Revue ait réussi en définitive à s’assurer depuis plus de quarante ans le concours des collaborateurs qui l’ont faite et maintenue ce qu’elle est.