Page:Revue des Romans (1839).djvu/193

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temple jusque dans leur sanctuaire les beautés, les vertus d’Hélène ; aussi lui seul l’aime, parce que lui seul la connaît. Hélène n’aime pas le duc d’Arberg, du moins elle n’éprouve pas pour lui ce que Chavornay lui fait éprouver ; jamais elle n’a senti entre elle et lui cette communauté d’idées et de sentiments, cette sorte de connaissance intime qui existe entre elle et Chavornay ; elle est étonnée, elle a peur, et en même temps elle est délicieusement émue. Le bon, l’honnête Chavornay ne pouvait s’abandonner sans scrupule à l’amour qui se révèle bientôt en lui avec violence, et d’ailleurs le respect qu’Hélène lui inspire ne lui permet pas de la désirer coupable. Il prend le seul parti raisonnable dans cette circonstance, il s’éloigne ; mais bientôt la jalousie le ramène, il tremble que la duchesse n’aime Campomoro ; il se bat avec lui, il est blessé, rencontré en cet état par le duc d’Arberg, qui ordonne de transporter chez lui son jeune ami, où bientôt le duc d’Arberg, forcé de partir pour un long voyage, le laisse seul avec Hélène. Voilà donc les deux amants réunis, se voyant tous les jours, vivant sous le même toit, entendant sans cesse les battements de leurs cœurs et leurs soupirs. L’auteur a traité avec habileté et avec talent le chapitre des épreuves ; il n’a dissimulé ni les dangers du combat, ni les difficultés de la victoire. En ce qui touche Hélène, ce morceau est admirable. La pauvre femme ! comme elle résiste et s’abandonne à son amour ; elle le justifie et le combat ; mais ce retour sur elle-même n’a d’autre résultat que de lui montrer sa faiblesse ; c’en est fait, son courage, sa raison, sa volonté, ne peuvent plus la sauver ; elle se voit déjà vaincue, et pourtant, sans doute, son âme repousse avec horreur l’idée du crime. Dans cette extrémité, elle appelle le courage de Chavornay au secours de son courage, elle se met à ses genoux, elle avoue sa faiblesse et son amour, elle le supplie de l’aider dans cette angoisse et de lui prêter sa force. Chavornay se sauve, la duchesse s’évanouit et le duc revient. Hélène lui avoue tout avec tant de courage et d’émotion, que le duc se trouve fort embarrassé de cette confession. Après des efforts inouïs pour combattre sa passion, la duchesse prend le parti de se retirer en Bohême, et part pour cette destination. Dans les premiers jours du voyage, l’exaltation la soutient ; bientôt elle tombe malade, et elle arrive presque mourante à Ferrare, où Chavornay, qui l’avait suivie, arriva tout juste pour recevoir le dernier aveu de son amour et son dernier soupir. — Chavornay est un roman digne du succès avec lequel il a été accueilli lors de son apparition, et qu’il doit non-seulement à une fable intéressante, mais encore à un style élégant, facile, simple et harmonieux.

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