Page:Revue des Romans (1839).djvu/306

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ville, 2 vol. in-18, 1799 ; id. sous le titre du : Curé de Wakefield, trad. par Voullaire, in-18 (traduction que les Anglais ont vantée comme la meilleure) ; id., sous le titre du : Ministre de Wakefield, trad. par Imbert, 2 vol. in-12, 1808 ; id., trad. par A. Aignan, in-12, 1803 ; id., trad. par Hennequin, in-8, 1825 ; id., trad. par Charles Nodier. — Le manuscrit de cet inimitable roman devenu classique, que toute l’Europe a lu, et qui fit la réputation de Goldsmith comme prosateur, fut vendu soixante livres sterling au libraire Newbury, lequel avait une si mince opinion de son acquisition, que le Vicaire de Wakefield resta chez lui en manuscrit pendant deux ans, et ne fut publié que lorsque le Voyageur (the Thraweller) eut mis l’auteur en réputation. Ce livre, qui a fait couler tant d’honnêtes larmes et attendri tant de jeunes âmes, est l’églogue la plus dramatique et la plus naïve que l’on ait jamais écrite, ou plutôt c’est l’épopée domestique ; c’est le coin du feu, sublime dans la pauvreté. D’une seule idée, celle de la famille, découlent toute la philosophie, toute la poésie, tout l’héroïsme du vicaire. C’est chose merveilleuse combien le cœur est soulevé doucement et profondément remué par cette lecture ; à peine introduit dans le petit ménage, vous partagez tous les intérêts de la bonne famille qui vous est donnée ; vous êtes à elle et elle est à vous : on ne vous impose aucune admiration, vous conservez votre liberté tout entière ; la vieille femme fait des conserves et des projets, la fille aînée est coquette, le bonhomme de vicaire est pédant, le fils aîné vagabonde, et le fils cadet se laisse attraper. Voilà bien toutes les taches et toutes les misères de notre nature : vanité, faiblesse, illusions, folles joies, longues espérances, prétentions, imperfections, légèreté, inconséquences. Mais le sentiment de la famille consacre le sentiment du devoir, et constitue, sous l’œil de Dieu, comme un sacerdoce primitif auquel viennent se rattacher tous les dévouements, et qui s’élève, par un imperceptible progrès, jusqu’aux sublimes vertus. À l’exception de quelques invraisemblances dans la composition du roman, la facilité et la grâce du style, et la vérité des principaux caractères, font du Vicaire de Wakefield une des plus délicieuses fictions imaginées par l’esprit humain. Quel caractère que celui du simple pasteur, doué de toutela bonté et de toute l’excellence qui doivent distinguer l’envoyé de la Divinité près de l’homme, et qui a cependant toute la pédanterie et la vanité littéraire qui sert à faire connaître en lui la créature jetée dans le même moule que ses ouailles, sujette aux mêmes imperfections ! Noble et simple à la fois, dans son triple caractère de pasteur, de père et d’époux, le bon vicaire nous offre une peinture de la fragile humanité placée dans l’attitude de sa dignité la plus naturelle. Il forme un vrai contraste avec son ex-