Page:Revue des Romans (1839).djvu/399

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sa détresse, l’adopta pour fille, et en fut payée de toute sa tendresse. À seize ans, sœur Anne était une jolie fille à la chevelure blonde, au teint de lis, au bel œil bleu, dont la beauté fit impression sur le cœur du jeune comte de Montreville, qui n’eut pas de peine à séduire ce cœur aimant et plein d’innocence. Après trois semaines de jouissances, le comte s’ennuie de sa facile conquête et l’abandonne, non sans lui avoir promis de revenir. La pauvre fille compte en vain les jours, les heures, les minutes ; l’ingrat ne revient pas, et pour comble de malheur la taille de sœur Anne s’arrondissait. La bonne vieille qui l’avait recueillie vient à mourir ; peu de temps après sœur Anne devint mère, et tout l’amour qu’elle portait à son séducteur elle le reporta sur son enfant. Que faisait pendant ce temps le comte de Montreville ? Il soupirait aux genoux d’une beauté nouvelle ; Constance l’aime autant que sœur Anne ; Constance est aussi belle, de plus elle est noble et riche, elle a des talents admirables, un son de voix qui va à l’âme, de l’esprit, des grâces, tout enfin ; bref, Montreville épouse Constance. Après la lune de miel, le comte s’ennuie de sa jolie femme, et part pour un voyage. Pendant son absence, Constance aperçoit un jour du haut de sa terrasse une pauvre jeune femme, mourant de faim au pied d’un arbre ; elle vole à son secours, et une irrésistible sympathie l’entraîne vers cette malheureuse femme, qui n’est autre que sœur Anne. Constance l’adopte, la recueille, se passionne pour elle ; vaine et tardive compassion ! sœur Anne succombe ; mais près de mourir la parole lui revient, et c’est pour léguer son fils à sa rivale. Cette dernière partie du roman est réellement fort belle ; on est ravi, ému, hors de soi-même, et quelquefois l’auteur s’élève jusqu’à Richardson ; le caractère de sœur Anne est tracé de main de maître.

LE BARBIER DE PARIS, 4 vol. in-12, 1827. — On trouve dans ce roman un marquis de Villebelle, aimable roué de la cour de Louis XIII ; un barbier, Touquet, agent des plaisirs du marquis, homme sans foi, sans honneur, mais non sans remords, car il a jadis assassiné un voyageur logé chez lui, et depuis ce temps son sommeil est troublé par d’étranges visions ; une jeune Blanche, que l’on croit être la fille de ce voyageur, adoptée par Touquet, élevée avec beaucoup de soin et une sorte de tendresse, et livrée ensuite par ce misérable au marquis de Villebelle ; enfin une Italienne, Julia, amoureuse du marquis, jalouse, vindicative, fille d’un diseur de bonne aventure, qui vient à la fin du roman débrouiller toute l’intrigue, en annonçant à Villebelle que cette Blanche est sa fille, et à Touquet que le voyageur assassiné était son père : là-dessus, le marquis tue le barbier d’un coup de pistolet et s’élance vers la chambre de sa fille, qui, persuadée qu’on vient lui