Page:Revue des Romans (1839).djvu/485

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précieux cachaient l’âme la plus atroce, le cœur le plus corrompu. Livré aux plus dangereuses passions, sir Lauderdale dissipe rapidement sa propre fortune et l’immense héritage de son beau-père. Chaque jour une nouvelle folie, une nouvelle bassesse, un nouveau forfait même, achèvent de dévoiler son affreux caractère à la malheureuse Marie ; et celle-ci, épouse soumise, victime dévouée, n’oppose que la patience, la douceur, la générosité aux procédés odieux d’un maître impérieux qui n’entend pas même la voix de la reconnaissance, et qui repousse la tendresse par la dureté. Marie, qui ne peut aimer son époux malgré lui, n’en est pas moins douée d’un cœur profondément sensible ; et l’auteur a eu l’art de la placer dans une situation où l’amour l’attaque encore avec ses plus dangereuses séductions. Une froide analyse ne saurait donner l’idée du charme et de l’intérêt de ces différents tableaux ; c’est dans l’ouvrage même qu’il faut admirer l’inépuisable constance et le dévouement sans bornes d’un être angélique, victime des plus horribles machinations, et d’un respect inviolable pour ses devoirs.

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MARIE D’HEURES, pseudonyme de Mme Paran.
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MARIVAUX (Pierre Carlet de Chamblain de),
né à Paris en 1688, mort le 12 février 1763.


VIE DE MARIANNE, ou les Aventures de la comtesse de…, 3 vol. in-12, 1731. — Marianne est un des meilleurs romans français, pour l’intérêt des situations, la vérité des peintures, la délicatesse des sentiments ; le caractère de Mme de Miran a tout le charme de la bonté naturelle ; celui de Mme Dorsin, le mérite des lumières unies à la vertu ; celui de M. de Climal est un portrait fidèle et fait avec art de la fausse dévotion et de l’hypocrisie. Marianne et Valville ont toutes les qualités d’un âge aimable avec ses défauts : il n’y a pas jusqu’à Mme du Tour, la grosse marchande, qui ne soit très-bien peinte. Les tracasseries du couvent, l’esprit de communauté, l’audience d’un ministre, le ton du monde, tout est tracé avec une vérité d’expression qui voudrait ressembler à de la naïveté, mais qui laisse voir la finesse. Il est vrai qu’on a reproché à Marivaux, avec trop de justice, une affectation de style qui se fait remarquer jusque dans sa négligence, un artifice qui consiste à revêtir d’expressions populaires des idées subtiles et alambiquées, une abondance vicieuse qui le porte à retourner une seule pensée sous toutes les formes possibles, et qui ne lui permet guère de la quitter qu’il ne l’ait gâtée ; enfin un néologisme précieux et re-