Page:Revue des questions historiques, Tome X, 1871.djvu/310

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on trouve que sous lui sont nés de graves périls ; on ne prévit rien, on ne prit aucune précaution, et l’absence de prudence aurait amené une catastrophe, si la main de Dieu n’était venue miséricordieusement à notre secours. » Je ne citerai pas des chroniques italiennes contemporaines, qui affirment qu’il y eut de l’or de Philippe le Bel dans l’élection de Clément V[1].

Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître que le nouveau Pontife était, pour une cause ou pour une autre, admirablement disposé pour le roi de France, qu’il s’empressa de remplir ses désirs, et que celui-ci se croyait en droit de lui demander et d’obtenir beaucoup ; aussi ne mit-il dès l’abord aucune pudeur dans ses exigences.

À peine élu, Clément reçut une ambassade de Philippe le Bel ; on traita des questions si graves, qu’à l’exception du Pape, du roi et des ambassadeurs, le secret devait être religieusement gardé. Cependant Philippe pria Clément de lui permettre de faire connaître ces mystérieuses négociations à trois ou quatre de ses conseillers. Clément le lui accorda dans la lettre suivante, qui est singulièrement importante, parce qu’elle fait voir quelle autorité le roi de France voulait prendre dès lors sur le nouveau Pontife, et quelle déférence il attendait de lui, même sur des questions d’étiquette.

« Quand et comment l’omnipotence divine, qui dépasse les mérites et les espérances de chacun, a élevé notre humilité, dans le temps qu’elle régissait l’église de Bordeaux, à la prééminence de la dignité apostolique, nous nous rappelons pleinement l’avoir notifié par nos lettres à Votre Altesse Royale. C’est d’après la relation que quelques-uns en ont faite, ce que vous aviez vivement souhaité que nous fissions aussi par rapport à la solennité du consentement que nous avons donné à notre élection et des autres actes qui en ont été la conséquence ; mais nous tenons à ce que Votre Majesté sache que, si nous avons négligé de le faire, c’est que nous avions alors auprès de nous vos deux envoyés, l’archevêque de Narbonne et Pierre de Latilly, qui ont été présents à tout et qui pouvaient en informer Votre Majesté, comme de l’intention où nous étions de prévenir Votre Majesté de l’époque où nous comptions, avec l’aide de Dieu, recevoir solennellement la couronne. Que Votre Altesse Royale ne prenne donc pas en mauvaise part les omissions qui ont pu être commises à ce sujet. C’est le ix des calendes d’août (21 juillet) que, malgré

  1. Chronique de Dino Compagni, apud Muratori, t. VIII, p. 517 ; — Feretti de Vicence, id., t. IX, p. 1014. — Conf. Christophe, Histoire de la papauté, t. I, p. 179.