du Maître. Quant à Zola, le critique sut faire comprendre aux gens éblouis que le naturalisme ne peignait point la nature, que le roman expérimental n’était qu’une formule trompeuse, que les Français à décrire n’étaient point les goujats malpropres que Zola prétendait reconnaître dans les maisons les mieux tenues. Le dieu de l’art nouveau, se faisant son propre prophète et son propre exégète, avait mis au service de la littérature nauséabonde tout l’apparat scientifique tiré de la lecture d’ouvrages médicinaux et déterministes. Brunetière perça à jour les sophismes de « l’art expérimental », montra plus tard les attaches du réalisme et de « l’art pour l’art », et surtout il montra dans sa polémique « une si belle santé intellectuelle », comme dit Max Nordau, que le prestige du naturalisme parmi les « intellectuels » fut sérieusement ébranlé.
Le grand ennemi du naturalisme ne fut pas plus tendre pour les modes symbolistes. Et dans son œuvre de déblaiement et de salubrité artistique, il dut se reporter plus d’une fois vers la saine et grande et belle époque de la littérature, vers ce XVIIe siècle qu’il connaissait si bien, et où régnaient la mesure, l’ordre, la vérité, l’observation profonde de Molière et la hauteur de vues, l’incomparable lyrisme religieux de Bossuet. Depuis deux siècles les Français se retournaient avec complaisance ou chagrin vers leurs classiques, vers ces modèles supérieurs et définitifs de l’esprit national ; et, suivant le point de vue de chaque génération, apparaissait un nouvel aspect des grands maîtres. Le temps fut où l’on regrettait de ne pas leur trouver de « couleur locale » ; puis on parla du « romantisme des classiques » ; puis du « réalisme » et du « naturalisme » des classiques. Brunetière saisit plus que d’autres l’importance de ce dernier élément. Et il le mit en œuvre dans le cadre d’une forte doctrine. Au temps « de l’école du bon sens », Nisard voyait dans ses auteurs « la raison humaine ». Au temps du darwinisme, Brunetière y voit le point culminant de « l’évolution ». L’anatomie comparée avait passé aux sciences morales ses méthodes, ses théories et son langage ; et l’histoire littéraire, toujours pressée de se guinder au rang de science,