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Page:Revue générale - volume 85, 1907.djvu/31

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même n’avait pas méconnue, de la « nécessité de croire », des « raisons de croire», il fallait arriver à la foi sincère, à la foi qui agit. Les événements se chargèrent d’accélérer « l’évolution», qui se serait d’ailleurs faite d’elle-même.

Il y a quelques années, j’entendis à la Sorbonne M. F. Buisson, à propos d’« éducation de la démocratie », tenir à peu près ce langage : « M. Brunetière a dit que la Déclaration des droits de l’homme n’était qu’un Évangile laïcisé, que liberté, égalité, fraternité étaient des idées d’origine chrétienne, et que si elles avaient fait fortune, c’est qu’auparavant une puissance avait passé dans le monde et l’avait transformé : l’Église catholique, dont les fils de la Révolution sont les héritiers… Eh bien ! nous acceptons cette succession, et nous en sommes fiers ! » Les gens qui applaudirent M. Buisson n’oubliaient qu’une chose : c’est que pour M. Brunetière et pour des millions d’autres hommes, la succession de l’Église catholique n’est point ouverte. Et c’est à la défense de l’Église que le directeur de la Revue des Deux Mondes devait consacrer ses derniers efforts. Une dizaine d’années ont passé depuis l’audience que lui accorda LéonXIII, depuis la Faillite de la science, que devait suivre enfin la conversion définitive : et l’on se rappelle assez ces faits et ces pensées, les reproches et les colères des « savants » d’un côté, les défiances catholiques de l’autre, à l’égard du fidéisme. Sans doute les théologiens doivent sourire avec indulgence en écoutant bien des profanes déduire les raisons de leur foi. Et à leurs yeux peut-être la déception dans un amour terrestre, ou quelque autre aventure, n’est pas une plus faible raison que la beauté romantique des cathédrales, chantée par Chateaubriand, ou que l’esprit de tradition aristocratique qui fascine M. Bourget, ou que l’étrangeté, l’anomalie de M. J.-K. Huysmans, ou enfin, que les raisons de croire, la grande action sociale et nationale de l’Église, etc., qui trouvèrent en M. Brunetière le plus puissant avocat. Mais le monde n’est pas composé de théologiens, et précisément, à toutes les époques et dans tous les pays, depuis saint Augustin jusqu’à Novalis, le rôle des apologies les plus efficaces a été de créer une communication entre