la foi immuable et les besoins du jour, de mener les esprits et les cœurs du forum ou du salon au sanctuaire, de la poésie ou de la science à la foi. Celle-ci résultait, pour Brunetière, de l’étude de l’homme vivant en société : et l’utilisation de la sociologie, de toute la philosophie positiviste, de toutes les idées d’un Auguste Comte, consistait à fonder en raison la fidélité à l’Église. Le christianisme n’est pas seulement un facteur social ou une doctrine française : il est une interprétation de l’univers ; et cette interprétation, le théoricien évolutionniste la trouve conforme à ce qu’il sait de l’homme. L’origine animale de notre espèce, qui abaisse notre superbe, la brute méchante qui reste au fond du civilisé, toutes les considérations pessimistes du savant, viennent renforcer le dogme du péché originel et la nécessité chrétienne de dompter la bête pour en faire l’ange. Le fond de pessimisme qu’on a souvent signalé dans le caractère de M. Brunetière, était propre à rapprocher du christianisme le penseur qui n’avait plus la confiance candide et optimiste en l’avenir de la science, de même qu’autrefois l’éternelle mélancolie de Chateaubriand, par réaction contre la jactance du « progrès » et des « lumières », ramenait à la foi naïve des aïeux. À l’éternel besoin de la conscience humaine, à l’énigme de l’univers, la science n’avait pas répondu, ou elle n’avait pas donné de réponse incontestable, elle n’avait pas tenu sa promesse téméraire d’étre tout pour l’homme.
Telles furent à peu près les étapes d’une grande conversion, si on les examine dans l’ordre logique plus que dans la succession chronologique, car les faits, les pensées et les actes ne se suivent jamais dans un ordre si simple. Entre l’étude (1874) consacrée au Saint Louis de Wallon et celle que le dernier numéro de la Revue des Deux Mondes (1er décembre 1906) donne sur les philosophes et la société française, entre le Roman naturaliste (1884) et cette histoire de la littérature française que la mort de l’auteur a interrompue, le collaborateur de la Revue des Deux Mondes a examiné tant de « livres récents », a abordé tant de questions, que cette variété déconcerte d’abord, et qu’une