le premier organiste de son temps. Cependant, dès son arrivée à Vienne, le Maître passait par de pénibles luttes intérieures. La première symphonie n’eut, à Linz, en 1868, aucun succès : trop modeste pour en accuser la seule exécution ou le manque de préparation du public, Bruckner commence à douter de lui-même et détruit sa vraie seconde symphonie. Il ne retrouve quelque confiance et réconfort que dans la composition de sa formidable grand’messe en fa mineur (1868), l’une de ses œuvres capitales. Je sors de l’entendre pour la seconde fois, sous la direction de Mottl. C’est le plus saisissant, le plus passionné commentaire du texte liturgique qui ait jamais été écrit. La belle Cantate du Vendredi-Saint de Max Reger procédera tout entière du Et crucifixus du Credo. Et j’aime citer le nom de Reger après celui de Mahler pour montrer que, tandis que l’influence de Brahms reste stérile, quelque chose de Bruckner se retrouve dans les plus grandes musiques de l’Allemagne d’aujourd’hui. En 1869 parait sa troisième messe, en mi mineur, pour chœur à huit voix et orchestre d’instruments à vent. Mais, de longtemps, il ne se hasardera pas à tenter une symphonie autrement que pour détruire immédiatement ses projets. Enfin, la seconde actuelle vit tout de même le jour pendant l’hiver 1871-72. Il s’y efforce à la plus grande simplicité, pour en faciliter l’exécution et l’acceptation. Vains efforts. La Philharmonie de Vienne se récuse, comme elle se récusera, plus tard, devant la Penthesilée d’Hugo Wolf. Le pauvre Bruckner trouve enfin une occasion de la faire entendre aux fêtes de clôture de l’exposition internationale de Vienne. Alors Hanslick entre en scène. Il arrête le compte rendu du concert au moment de la symphonie pour ne pas repenser à l’affront qui avait été fait à la salle du Musikverein. C’était un arrêt de mort. Il faut entendre cette adorable deuxième, toute pénétrée d’enthousiasme pour la patrie autrichienne et les heures de gloire vers lesquelles elle paraissait marcher, pour comprendre la véritable mauvaise action dont le tout-puissant Hanslick endossait la responsabilité. On raconte que son nom faillit remplacer celui de Beckmesser dans la partition des Maîtres Chanteurs. Wagner eut raison de placer son dédain du critique au-dessus de cette vengeance. Les choses por-
Page:Revue générale - volume 85, 1907.djvu/432
Apparence