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jets : afin de s’attacher complètement Philippe-Auguste et éloigner de lui sa mère Adèle, il résolut de le marier à sa nièce Isabelle, fille du comte de Hainaut, sans se soucier du serment solennel qui l’engageait vis-à-vis de la maison de Champagne. La reine future contrebalancerait l’influence de la reine mère.

Si nous ajoutons foi à l’auteur de la Flandria generosa qui aime à rehausser l’éclat de la maison d’Alsace, ce fut Philippe-Auguste lui-même qui, quelques jours après son couronnement, demanda la main d’Isabelle, alors âgée de neuf ans. « Sur quoi le comte Philippe se réjouit beaucoup, parce qu’il comprit que c’était un grand honneur pour lui si sa nièce devenait reine de France, et il garantit une dot considérable[1]. »

D’après Gilbert de Mons, ce sont les principaux conseillers de Louis et de son fils, — du reste alors tous partisans de la Flandre, — qui entament les négociations concernant le mariage[2]. Cette version semble meilleure si l’on se rappelle qu’en 1177 Louis VII avait déjà pensé à une autre nièce du comte.

On voit d’après ce qui précède qu’il est impossible de constater à qui revient la responsabilité de ce mariage de Philippe-Auguste qui eut des conséquences si favorables pour la France et si désastreuses pour la Flandre. Les motifs personnels du jeune roi nous sont complètement inconnus, et cependant on ne saurait en tenir peu de compte en pensant à sa conduite envers Ingeburge de Danemark. Il faut nous contenter du fait que, gagné par la perspective d’acquérir après la mort du comte le pays en deçà du Fossé-Neuf, il jura d’épouser sa nièce en temps et lieu convenables[3].

Le comte, qui n’avait pas d’héritier légitime[4], ne se faisait pas scrupule de céder une partie de son territoire. Par une princesse de sa maison, il espérait gouverner le nouveau roi et par celui-ci la France. Les sentiments du père d’Isabelle étaient tout contraires. Même dans la chronique de son fidèle chapelain, Baudouin de Hainaut apparaît comme un prince animé des meilleures

  1. § 3, Monumenta Germaniae, IX, p. 327.
  2. P. 119.
  3. « Philippus junior rex, nescio quo consilio ductus, sacramento se obligavit quod duceret loco et tempore filiam Balduini. » Robert de Torigni, a. 1180, II, p. 94. Sur le serment qui précéda le mariage d’Ingeburge, voir Davidsohn, p. 31.
  4. Un fils naturel, Thierry, est nommé par Villehardouin, § 7. Rec., XVIII, p. 434, note 1.