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intentions, mais peu capable d’une action soutenue et énergique. Il évitait de se mêler d’affaires qui ne le regardaient pas, et, s’il y était forcé, il se laissait généralement guider par la volonté supérieure de son beau-frère. Le sacrifice que celui-ci demandait était bien lourd. Après la mort du comte Philippe, la Flandre revenait à sa sœur Marguerite, femme de Baudouin. Les barons flamands leur avaient déjà rendu hommage en 1177, lorsque Philippe partit pour la Palestine[1]. La cession d’une partie du comté lésait donc Baudouin et Marguerite dans leurs droits. La couronne royale qu’Isabelle devait porter les dédommageait aussi peu que l’appui que Louis VII leur prêta dans l’affaire de Roger de Rosoy, cousin de Baudouin et évêque de Laon[2]. Celui-ci avait cruellement réprimé la commune de la ville. Louis VII, avec le consentement duquel elle avait été organisée, fit alors avancer ses troupes, saisit les propriétés épiscopales et aurait puni l’évêque, si Baudouin ne s’était porté à son secours avec une armée formidable. Peu après, Roger, accusé devant le pape d’avoir versé de sa propre main le sang des bourgeois de Laon, fut sommé de prouver son innocence par son serment et celui de trois évêques. La justification devait avoir lieu à Meaux pendant l’octave de Noël (1179). Roger comptait sur l’intercession de Baudouin pour adoucir le roi qu’ils allèrent ensemble trouver à Paris. Ils furent accueillis avec bienveillance aussi bien par Louis que par Adèle. Après avoir célébré à Saint-Denis la fête de Noël et que le comte eut fait une riche donation à l’abbaye, ils se rendirent à Meaux. La justification terminée, ils revinrent à Paris, et là Baudouin obtint du roi la grâce de l’évêque qui recouvra ses biens.


D’après le témoignage de Gilbert, le comte de Hainaut n’avait aucun rapport de vassalité ni d’amitié avec le roi ; son entrée en faveur subite ne s’explique que par les intérêts de la cour de France qui désirait l’amener à cesser sa résistance contre le mariage projeté de sa fille. Dans toute cette question, le point de vue de Gilbert est fort borné, et cependant il a dû connaître les moindres détails ; c’est qu’il écrit non en historien, mais en homme d’Etat hennuyer[3].

  1. Gilbert de Mons, p. 113.
  2. Gilbert, p. 118-120. A. Luchaire, Communes, p. 88 et 89.
  3. Dans la Revue de l’instruction publique en Belgique, M. Huygens a traité de la Valeur historique de la chronique de Gilbert en utilisant tous les travaux antérieurs, 1889, t. XXII, p. 310 et suiv.