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Baudouin ressemblait à Louis VII en ce qu’il était aussi fort tenace ; il persévérait dans son refus. Enfin, le comte de Flandre qui avait en main tous les fils du plan, le comte de Clermont et plusieurs principaux familiers et conseillers du roi proposèrent une entrevue au comte et à la comtesse de Hainaut. Elle eut lieu à Mons lors du carême[1]. Les négociations durèrent trois jours et — peut-être que la comtesse Marguerite fut éblouie par la splendeur de la couronne offerte à sa fille — eurent plein succès. Quoique aucun de ses scrupules[2] ne fût levé et qu’il eût honte d’être parjure envers le comte de Champagne, Baudouin céda à contre-cœur après une longue résistance et permit qu’Isabelle accompagnât aussitôt son oncle en Flandre. Il avait de sombres pressentiments qui n’étaient que trop justifiés quand on considère les luttes dangereuses que dans la suite il eut à soutenir contre la France. Par un succès brillant en apparence, le comte de Flandre scella la décadence politique de son propre pays. Ce succès, Jacques Meyer l’appelle à bon droit « l’origine de la discorde et de l’hostilité entre Français et Flamands, la matière de beaucoup de collisions et de guerres, le commencement de défaites et de catastrophes nombreuses[3]. »

C’est probablement à Mons que le contrat de mariage formel fut conclu, d’un côté par Philippe-Auguste, de l’autre par les comtes Philippe et Baudouin et les ayants droit les plus proches[4]. Le district occidental du comté que cédait Philippe était séparé du reste de la Flandre par l’Aa[5], le Fossé-Neuf[6] et la Lys ; c’est ce qu’on a appelé depuis l’Artois[7]. Mais il ne faut pas oublier que le premier comte d’Artois, Robert Ier, frère de saint Louis,

  1. Gilbert de Mons, p. 120 : « termino quadragesimali. » Le premier dimanche du carême tombait en 1180 sur le 9 mars. Je tiens à remercier M. Bloch, actuellement collaborateur des Monumenta Germaniae, de l’appui qu’il m’a prêté lorsque j’étudiai la chronique de Gilbert au point de vue de la chronologie.
  2. M. d’Arbois de Jubainville en fait bien peu de cas. Son scepticisme paraît résulter de ses sympathies champenoises. IV, 1, p. 7 et 8.
  3. Compendium chronicorum Flandriae, Norimbergae, 1538, p. 87.
  4. Pour ce qui suit, voir notre appendice III.
  5. A. Longnon, Atlas historique de la France, texte explic, p. 230.
  6. Creusé en 1053 par Baudouin V, comte de Flandre, qui voulait se défendre contre l’invasion de l’empereur Henri III, il séparait les parties wallone et teutonique de la Flandre. Warnkœnig-Gheldolf, II, p. 13 et 14. Johannes Longus de Ipra, Chron. S. Berlini, Mon. Germ., XXV, p. 781.
  7. Au sens politique, je trouve cette dénomination pour la première fois dans le traité que Philippe II conclut avec Baudouin à Péronne, le 2 janvier 1200 : « tota terra quae est de Flandria et de Alrebatesia. » Catalogue, n° 579.