Page:Revue historique - 1893 - tome 53.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bien que nous ne puissions assigner une date précise aux mariages des filles de Mathieu, il est certain qu’ils furent résolus, sinon consommés, avant Pâques 1180 (20 avril)[1]. L’aînée, Ide, qui fut connue plus tard par ses aventures romanesques, épousa Gérard III, comte de Gueldre[2] ; la cadette, Mathilde, le fils du duc de Louvain ou de Brabant, Henri. On ne pensait plus à l’ancien projet de Louis VII qui avait voulu unir Ide à son fils et Mathilde à son neveu Louis, fils de Thibaut de Blois.

Nous n’avons pas de renseignements impartiaux sur les mesures que prit le comte de Flandre pour éloigner peu à peu tous ses adversaires de l’entourage du jeune roi. Nous devons nous contenter de reproduire les impressions des chroniqueurs anglo-normands, mais on ne les acceptera qu’avec précaution. A leurs yeux, la faute capitale du comte est d’avoir combattu l’influence anglaise au profit de la sienne propre. Il est encore bien heureux que ces récits soient arrivés jusqu’à nous. Car les historiens français de l’époque agissaient prudemment en passant sous silence les démêlés qui mettaient en opposition Philippe-Auguste , sa mère, ses oncles et enfin son père. En outre, les dix années antérieures à la croisade ofiraient tant de faits mémorables dont le souvenir devait plaire à la cour, que les premiers essais politiques du jeune roi s’oubliaient rapidement.

D’après les Gesta Henrici Secundi, Philippe-Auguste abusa de l’état où se trouvait son père pour s’attacher étroitement au comte de Flandre[3], et pour exercer, suivant le conseil de celui-ci, une tyrannie sur le peuple français : il méprisa et commença à haïr tous ceux qu’il connaissait comme familiers de Louis VII[4].

  1. Le contrat de mariage de Mathilde (Wauters, II, p. 588) est daté de 1179 et ne peut donc être postérieur au 19 avril 1180. — Raoul de Dicet (I, p. 432) place son mariage dans l’été 1179. Les Gesta, I, p. 269, racontent les deux mariages après le 18 septembre 1180 ; Guillaume d’Andres (Mon. Germ., XXIV, p. 715) celui de Mathilde en 1181 ; Roger de Hoveden (11, p. 131) en 1177, mais parle en même temps d’événements postérieurs. Voir la Flandria generosa, Cont. Bruxellensis, Mon. Germ., IX, p. 325 ; Gilbert, p. 128 et 129 ; Heyck, Geschichte der Herzoge v. Zühringen, p. 411.
  2. Voir sur lui Sloet, Oorkondenboek der graafschappen Gelre en Zutfen, I, p. 353 ; III, p. 1180. — D’après le Trésor de M. de Mas Latrie, p. 1565, Ide aurait déjà été veuve d’un certain Mathieu, de famille inconnue, mais je ne sais sur quoi se fonde cette assertion.
  3. Gesta, I, p. 244 : « Adhaesit consilio. » On trouve la même expression dans Roger de Hoveden, II, p. 196 ; elle paraît signifier une obligation confirmée par serment.
  4. Gesta, I, p. 244. Roger de Hoveden, II, p. 196, qui modifie le récit des Gesta. Raoul de Dicet, II, p. 4-6. Rigord, § 9, surtout la note de M. Delaborde. Guillaume le Breton, Chronique, § 19.