mier acte du jeune roi, qui paraît être sorti de sa propre initiative, lui conquit rapidement les sympathies les plus vives du clergé et lui donna, en remplissant les caisses vides de son père, les ressources dont il avait besoin en vue de complications ultérieures ; car on se servait déjà beaucoup de troupes mercenaires, surtout des routiers ou brabançons, diffamés à cause de leur cruauté. Henri II commença à craindre une attaque française sur la Normandie, « parce que sous un nouveau monarque, sous un roi enfant, les conseils des gens malveillants obtiennent du crédit. » Raoul de Dicet ajoute que la puissance des Normands est toujours suspecte à leurs voisins et leur gloire célébrée par tout l’univers.
Cette appréciation indique très bien la direction que les idées de Henri II devaient prendre : il était impossible que sa propre position sur le continent fût définitivement reconnue par la royauté capétienne, et un prince ambitieux pouvait bien se proposer la tâche de la détruire. Il résolut d’agir avec circonspection, comme il avait coutume de faire, et d’obvier aux dangers qu’il croyait imminents.
Sur ses instances, l’évêque Richard de Winchester se chargea d’une ambassade en France et s’embarqua le 5 mars 1180, accompagné du garde des sceaux Gautier de Coutances[1]. Arrivés à Paris, ils trouvèrent Louis VII alité, brisé par l’âge et la maladie. Le fait seul qu’on s’adressait à lui et non à Philippe- Auguste montre clairement que Louis était roi en titre et qu’on le supposait diriger encore les affaires, tandis que Philippe passait chez les Anglais pour un adolescent turbulent qu’il était inutile de consulter.
Comme le vieux roi se trouvait dans l’impossibilité de s’entremettre entre les partis, de concilier les extrêmes, comme depuis la mi-mars Philippe -Auguste semblait irrévocablement lié au comte de Flandre par le traité de Mons, le jeune roi Henri se vit forcé de quitter la Normandie, où il avait séjourné assez longtemps, pour aller conférer avec son père. C’est surtout auprès de lui que les barons de Champagne avaient insisté sur la nécessité d’une intervention anglaise.
L’antagonisme des partis s’accentuait de plus en plus. La reine mère, craignant pour sa sûreté, fit mettre en état de défense les
- ↑ La chronologie de ces faits dans Eyton, Court, household, etc., p. 231 et suiv. — On y trouve les dépenses occasionnées par ces voyages.