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châteaux forts qu’elle avait reçus de Louis VII en cadeau de noce[1], sur quoi son fils donna ordre à ses sergents de se saisir de ces châteaux et d’en expulser les garnisons de vive force. Il ne restait plus à Adèle qu’à aller chercher refuge chez un de ses frères, probablement chez Thibaut à Blois. La tradition d’après laquelle quelques-uns de ses partisans furent aussi attaqués mérite peu de confiance dans les détails : il suffit de s’en tenir aux faits généraux, sans croire que le comte Thibaut ait été vraiment destitué et remplacé dans le dapiférat par le comte de Flandre[2]. Mais il faut convenir que la position réelle de ce dernier ressemblait beaucoup à celle qui aurait été due plutôt au sénéchal.

Le jeune roi Henri était parti le ler avril pour Reading en Angleterre. Quelques jours après, il s’y soumit complètement à la volonté de son père et lui exposa la tournure menaçante que les événements avaient prise. Tous les deux se hâtèrent d’arriver en Normandie, Henri II de Portsmouth, son fils de Douvres. Vers le 15 avril, le premier tint une cour à Alençon. Tous ceux auxquels l’administration du comte de Flandre avait déplu s’étaient mis sous sa protection dès son débarquement, surtout Adèle et Thibaut de Blois qui l’excitaient à prendre les armes.

Henri II savait parfaitement que de tels alliés méritaient peu de confiance, et je ne crois pas du reste qu’il ait voulu accroître sans nécessité les difficultés de la royauté française. Il avait toujours tant de barons rebelles à dompter lui-même que la tranquillité des pays voisins lui était le plus utile. Cependant, comme la situation en Allemagne ne lui offrait rien d’alarmant, il pouvait ambitionner le rôle glorieux de médiateur et gouverner la France à sa guise. L’arrêt rendu à Kaina contre Henri le Lion avait été proclamé à la diète de Wurzbourg (15 janvier 1180 environ), en vertu de la décision unanime des princes : ses alleux et ses fiefs seraient confisqués et lui-même mis au ban de l’empire. Mais cet homme extraordinaire, que les dangers imminents

  1. Gervais de Cantorbéry, I, p. 294. Robert d’Auxerre, Mon. Germ., XXVI, p. 242. Roger de Hoveden, II, p. 196. Raoul de Dicet, II, p. 6. — Je suis la chronologie de Roger.
  2. Giraud de Barri, De princ. instr., III, 2, p. 229. S’il affirme que le comte Philippe parvint au dapiférat par sa femme, nous nous rappelons l’opinion semblable de Raoul de Dicet, plus haut, p. 23. — Il ne me paraît pas facile de déterminer où étaient situées les terres d’Adèle. Les chartes émanées d’elle ne sont que peu nombreuses. Voir le n° 677 des Études.