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n’avaient pas empêché de célébrer avec faste la fête de Noël de 1179, paraissait si puissant qu’on doutait que l’empereur parvînt à humilier son vassal[1].

Henri II ressentit une vive douleur à la nouvelle des poursuites intentées contre son gendre, parce que la grande distance ne lui permettait pas de le secourir comme il l’aurait voulu[2]. L’éloignement du théâtre de la guerre rendait fort risquée toute intervention anglaise. Mais il évitait ces inconvénients s’il s’adjoignait les deux Philippe comme alliés. Le principe de la politique anglaise, de faire faire la guerre sur le continent par les alliés, reçut alors peut-être sa première application, car, comme dans les temps modernes, elle était toujours à même de fournir de riches subsides. Henri Ier d’Angleterre avait jadis conseillé à son gendre, l’empereur Henri V, de lever une contribution générale dans tout l’empire, mais la mort surprit celui-ci avant l’exécution d’un aussi vaste projet qui périt avec lui[3]. C’étaient surtout d’excellentes finances qui permettaient au petit-fils de Henri Ier, au fils d’une impératrice allemande, de préparer une coalition contre l’empire.

Henri II acquiesça donc au désir des princes champenois. Ils durent lui remettre des otages et lui jurer de rester fidèles à sa politique. Alors seulement, et après avoir consulté ses barons, il accorda l’appui militaire demandé. Ayant célébré la fête de Pâques (20 avril 1180) au Mans, il leva une grande armée dans toutes ses terres en deçà et au delà du détroit.

Un contemporain lui prête l’intention de pénétrer dans le territoire français aussitôt après Pâques et de punir Philippe-Auguste pour avoir outragé sa propre famille, c’est-à-dire le

  1. Giesebrecht, Deutsche Kaiserzeit, V, p. 918 et suiv.
  2. D’après M. Scheffer-Boichorst, Forschungen zur deutschen Gesch., VIII, p. 472, Henri II ne renonça que plus tard à une intervention armée. Dans le passage connu des Gesta, I, p. 249, l’auteur parle d’abord de l’expédition que l’empereur fit en Saxe, depuis le 25 juillet. Le coup d’œil qu’il jette ensuite sur la genèse de la querelle me semble avoir plus de valeur que ne le croit Giesebrecht. A la fin, il dit : « Et iudicatum est ab universis curiae ipsum ducem exheredandum sine aliqua misericordia. Quod cum nuntiatum esset regi Angliae, doluit vehementer de inquietatione generis sui eo quod pro voluntate sua ei auxiliari non potuit propter locorum distantias. » Je rapporte le quod au bannissement seul.
  3. Othon de Frisingue, Chronique, VII, p. 16. Giesebrecht, III (1890), p. 980 et 1244.