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parti de sa mère[1]. Mais, d’après ce que nous venons d’exposer, il est clair que ces armements formidables n’étaient pas nécessaires pour arriver au but indiqué ; ils devaient servir à une expédition dirigée contre l’empereur Frédéric, expédition à laquelle la France et la Flandre prendraient part sous le commandement du Plantagenet.


Apogée de l’influence flamande.


Malgré son jeune âge et sa position difficile, Philippe- Auguste était loin de vouloir éviter un combat où il trouvait devant lui, outre un adversaire très dangereux et beaucoup plus expérimenté que lui, sa mère et ses parents. Son trésor était rempli, il arma de son côté. Ce n’était pas la Normandie qu’il comptait envahir, comme le craignait Henri II, mais l’Auvergne, dont la suzeraineté, revendiquée tant par la France que par l’Angleterre, avait été expressément exceptée dans le traité de paix conclu à Nonancourt[2]. On pourra donc supposer que Philippe- Auguste ait tenu à ne pas violer les relations amicales qui unissaient officiellement les deux pays. Il avait aussi d’autres raisons plus solides pour choisir l’Auvergne. La domination anglaise, toujours entravée par la concurrence française, n’y reposait que sur des bases très faibles ; et de là on pouvait soulever les turbulents barons du sud. Enfin, Louis VII n’avait jamais pu se résigner à perdre cette belle province : devant Henri II et plusieurs grands vassaux, il avait solennellement adjuré Dieu de permettre à son fils de la rattacher à la couronne[3].

Pendant que les armements prenaient leur cours, Philippe-Auguste épousa Isabelle de Hainaut[4]. Immédiatement après

  1. Gesta, I, p. 245. Roger de Hoveden, II, p. 196. Il faut remarquer les expressions des deux auteurs qui n’exagèrent pas en général.
  2. « Philippus, volens in Alverniam ad jura sua studiosius perquirenda transire, comitem Hanoniensem, ut ei in servientibus peditibus secum ducendis (quia in Hanonia tunc temporis electiores animosioresque videbantur) sibi provideret, rogavit. Cui dominus comes satisfacere volens, tria millia clientura peditum electorum bene armatorum in propriis expensis transmisit. Qui cum Parisios pervenissent, dominus rex, iter suum differens, illos ad comitem cura gratiarum actionibus remisit. » Si l’on combine ce passage de Gilbert (p. 121) avec les récits anglais, il acquiert la plus haute importance. Nous y reviendrons encore plusieurs fois.
  3. Giraud de Barri, De princ. instr., III, 1, p. 226 ; III, 2, p. 231.
  4. Sur le mariage voir les Gesta, I, p. 245 ; Gilbert, p. 121 ; Gervais de Cantorbéry, I, p. 294 ; Robert de Torigni, a. 1181 ; Raoul de Dicet, II, p. 5 (il appelle Isabelle Marguerite, du nom de sa mère !) ; Sigeberti Cont. Aquic., a. 1180 ; Wyard, Histoire de l’abbaye de Saint-Vincent de Laon, p. 424. M. P. Paris, dont l’hypothèse est reproduite par M. Wallensköld, Canon de Béthune, p. 5, a cru que Conon avait récité ses vers pendant cette cérémonie devant la reine Adèle. Mais cette dernière ne peut avoir été présente.