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preuve évidente, semble-t-il, que la ville et le village sont, dès le début, choses fort différentes. En somme, si l’on constate entre l’administration et la juridiction urbaines, d’une part, et celles du village, d’autre part, des ressemblances assez nombreuses, ces ressemblances s’expliquent naturellement par le fait que, dans toute agglomération d’hommes, certaines institutions naissent fatalement de la vie en commun. Et il est dangereux, je pense, d’aller plus loin et d’établir un lien de filiation là où l’on a affaire seulement à des phénomènes d’analogie.

Presqu’en même temps que M. von Below, un érudit de génie, M. Sohm, formulait une nouvelle théorie, la dernière en date et la plus originale de toutes celles dont j’ai parlé jusqu’ici. L’apparition de son Entshehung des deutschen Städtewesens[1] a été un événement. C’est un essai, d’une puissance et d’une hardiesse singulières, de bâtir, sur les principes du plus ancien droit germanique, toute la constitution municipale du moyen âge. Quand bien même, comme cela semble dès aujourd’hui probable, les conclusions en devraient être rejetées, il restera cependant comme une œuvre d’une force et d’une beauté singulières, comme une des productions les plus caractéristiques d’un des esprits les plus originaux et les plus généralisateurs de ce temps-ci. La doctrine de M. Sohm ne se rattache à aucune théorie antérieure. Elle est au plus haut point neuve et indépendante. Pourtant, elle a été provoquée par deux études de quelques pages chacune, mais toutes deux de grande valeur : le Weichbild de M. Schrœder et l’article de M. Schulte sur les villes neuves de l’abbaye de Reichenau.

C’est en 1886, dans le recueil de mélanges publiés en l’honneur de Waitz par ses anciens élèves[2], que M. Schrœder a donné du mot Weichbild une explication aussi neuve qu’ingénieuse. On sait que dans l’Allemagne du Nord, le mot Weichbild désigne le droit urbain et en même temps le territoire dans lequel ce droit est appliqué (la banlieue). Depuis longtemps déjà, ce mot avait exercé la sagacité des savants[3] sans qu’une solution satisfaisante eût été trouvée. M. Schrœder a tenté, à son tour, de déchiffrer l’énigme. Pour lui, le Weichbild est à l’origine la croix élevée sur le marché en signe de paix et de

  1. Leipzig, 1890.
  2. Historische Aufsätze dem Andenken an Georg Waitz gewidmet. Hanovre, 1886. R. Schrœder, Weichbild, p. 306-323.
  3. Eichhorn (Deutsche Staats- und Rechtsgeschichte, 5e édit., II, p. 77, 325) voit dans le Weichbild une croix d’immunité, ce qui se concilie parfaitement bien avec sa théorie du Hofrecht. Le Weichbild aurait été à l’origine le symbole (Bild) du Saint protecteur de la ville (Wik).