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pement et rendent la lecture de son ouvrage assez difficile. Il eût fallu, nous semble-t-il, dans l’intérêt de la clarté, séparer plus nettement la partie historique du travail de la partie juridique. Il n’en reste pas moins incontestable que l’étude de M.  E. est une contribution de haute valeur à l’histoire de la propriété foncière au moyen âge. On ne peut résumer son livre sans lui faire tort. Richement documenté, écrit après une longue et patiente enquête qui a porté sur les territoires les plus divers, il faut l’avoir lu en entier pour en apprécier, comme il convient, toute la saveur et pour savoir tout ce qu’il ajoute à nos connaissances. À la différence de tant de juristes, qui, dans les questions relatives à l’ancien droit, s’en tiennent volontiers au texte des feudistes, M.  E. s’est fait une règle de recourir toujours directement aux sources originales, aux actes de la pratique, aux décisions de justice. Il a fort bien vu que les anciens jurisconsultes se préoccupaient avant tout soit de justifier, soit d’attaquer les institutions dont ils parlent. « Les uns voulaient, pour les légitimer, leur assigner une origine qu’elles n’ont pas ; les autres essayaient d’atténuer leur portée, afin de remédier aux abus qu’elles entraînaient : tous les faussaient. » Il fallait donc, sans tenir compte d’opinions plus ou moins intéressées dans un sens ou dans un autre, se placer directement en face de la réalité et, par l’accumulation des détails, reconstituer le plus fidèlement possible la vie juridique des masuirs.

Non seulement l’auteur a recueilli sur les masuirs wallons une quantité importante de matériaux, mais encore il a étudié les groupes similaires existant en Flandre. Nous citerons comme particulièrement instructives les monographies qu’il a consacrées aux masuirs de Chatelineau et aux Amborgers du Beverhoutsveld. Ajoutons encore que les recherches de M.  E. témoignent d’un sens très délicat de la nature si fuyante et si complexe de la propriété foncière au moyen âge. Il a su se débarrasser complètement, dans l’analyse qu’il en a faite, des idées modernes. Le chapitre intitulé le Tréfonds est à cet égard, en dépit d’une certaine prolixité, un des plus intéressants de l’ouvrage.

M.  E. s’est confiné soigneusement dans son sujet. Il s’est contenté de commenter minutieusement les documents recueillis par lui, s’interdisant l’accès du terrain si mouvant sur lequel combattent les partisans et les adversaires de la théorie de la propriété collective originaire. Ses idées à ce sujet paraissent d’ailleurs, et très sagement, peu arrêtées. S’il semble parfois disposé à considérer les usages des masuirs comme provenant d’une propriété commune (p. 437), ailleurs il constate que ces usages, tels qu’ils existent à partir du xiiie siècle, époque au delà de laquelle il n’est pas remonté, s’expliquent par la constitution du domaine rural. Cette manière de voir est évidemment la vraie. Les droits exercés dans les bois par les masuirs ne peuvent être envisagés que comme des appendices de leur tenure. Il ne peut être question de voir en eux des survivances d’une copropriété antique. Comme M.  Thévenin l’a établi jadis dans ses études sur les Communia, celui-là est usager dans les « communs » d’un village ou d’une marche, qui est