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Page:Revue historique - 1896 - tome 62.djvu/78

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folk, « pié à pié, » par un poursuivant d’armes, Cognac[1] ; et Suffolk obtint de la veuve de Somerset, Marguerite, la continuation des pouvoirs qu’il tenait du défunt, ainsi que le maintien du pacte du 12 mai[2]. Jean écrivit à Charles d’Orléans[3]. Il écrivit au bâtard. À l’un et à l’autre il leur traçait leur conduite : ne quitter le roi sous nul prétexte ; Orléans surtout qui devrait pousser à la paix et au mariage d’Henri VI avec Marguerite d’Anjou[4]. Le comte se flattait ainsi de mettre à profit un rapprochement franco-anglais. Il fallait obtenir du roi une aide sur Tournai, en attendant mieux. Le comte avait déjà une imposition sur le Ponthieu, que lui avait accordée le duc de Bourgogne ; il entendait qu’elle ne fût pas gaspillée[5].

À lire ses lettres, on sent que Jean, si souvent et si cruellement dupé, mettait, dans ce redoublement d’activité, son suprême espoir ; que, s’il avait foi dans le Bâtard, il appréhendait une nouvelle maladresse de Charles. Il parle au chef de sa famille, à ce frère aîné, d’un ton surprenant d’autorité : on cherche presque les excuses. Il décide, plus qu’il n’explique, il conseille, moins qu’il ne commande. — Sa parole, d’autre part, laisse transparaître l’émotion de ses craintes. Il n’ose arrêter son souvenir aux lamentables insuccès du passé. Si « cette fois, » — et ces deux mots reviennent sans cesse, — si « cette fois » tout échouait encore ! Cette pensée seule est une angoisse. Pour Dieu ! que ses amis ne défaillent pas. S’il les a pour lui, c’est le salut ; il l’affirme. Autrement, c’en est fait, il achèvera sa vie prisonnier[6]. Et quelle vie !…

Tous les scellés avaient été recueillis[7] et il ne restait plus, dans une dernière entrevue avec Suffolk, qu’à préciser le mode de leur paiement ; un contre-temps faillit, de nouveau, tout compromettre. On parlait de mettre le comte d’Angoulême en arrêt à Cherbourg ainsi que « les autres biens de la succession de Somerset, » en garan-

  1. Rev. doc. hist., cit. — Brit. Mus., Addit. chart. 475-476, 3980.
  2. Rev. doc. hist., cit.
  3. Lettre publiée par M. Léopold Delisle (Bibl. de l’École des chartes, t. XLV, p. 304) ; tirage à part avec fac-similé. Paris, Champion, 1884 (11 juin [1444]).
  4. Rev. doc. hist., cit., 1877, p. 23. Marguerite d’Anjou, fille du roi René et d’Isabelle, duchesse de Lorraine, épousa, en effet, Henri VI, comme on sait. Elle mourut en 1482.
  5. Arch. nat., K. 72, 5610, et J. 919, 26, fol. 116 vo. Lettre du 11 juin [1444], citée.
  6. Lettre du 11 juin, citée. C’est un des documents qui permettent le mieux de pénétrer jusqu’à l’âme du comte.
  7. Brit. Mus., Addit. chart. 475. — Arch. nat., J. 647, nos 16-18 ; K. 72, no  567-8. — Bibl. nat., fr. 20178, fol. 112 vo.