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villes, marchés et marchands au moyen âge.

nières années sur les institutions au moyen âge[1]. Elles diffèrent toutefois par leur plan et par leur objet. M. Keutgen s’est proposé d’exposer au complet la genèse des institutions urbaines, tandis que M. Rietschel n’étudie ces dernières que dans leurs relations avec le marché urbain. C’est à ce point de vue que nous nous placerons également dans les pages suivantes.

En un point, et en un point essentiel, MM. Keutgen et Rietschel sont d’accord. Pour eux, la ville ne provient pas du marché. Le marché est extérieur à la ville, il existe à côté d’elle et indépendamment d’elle : elle ne lui doit ni sa paix, ni ses institutions, ni son tribunal. Bref, le mercatus n’est pas à l’origine du droit urbain.

Il m’est impossible ici d’exposer en détail comment MM. Keutgen et Rietschel établissent leur thèse, et je dois me borner à renvoyer le lecteur à leurs travaux. Il me sera permis toutefois de faire observer que, tandis qu’indépendamment l’un de l’autre ils arrivaient aux mêmes résultats, je formulais moi-même, dans mon étude sur l’origine des constitutions urbaines, des conclusions identiques. Ainsi, presque en même temps, bien que par des chemins très différents, trois travailleurs étrangers les uns aux autres se rencontraient au même point. Cette coïncidence est d’autant plus significative que des trois côtés l’étude a porté sur des sources différentes. Tandis que j’utilisais surtout les textes provenant d’entre la Seine et le Rhin, M. Keutgen s’attachait particulièrement à l’histoire des villes de l’Allemagne rhénane, et M. Rietschel portait son attention sur les agglomérations urbaines de date plus récente qui se sont formées entre le Rhin et l’Elbe. Je n’invoque d’ailleurs l’identité de mes conclusions avec celles des deux savants allemands que pour faire pleinement ressortir la vérité de ces dernières. L’examen des rapports entre le marché et la ville n’occupe que quelques pages dans mes articles, où l’espace m’était strictement mesuré. M. Keutgen, au contraire, lui a consacré un long chapitre et M. Rietschel son livre tout entier. Ce qui était seulement indiqué chez moi est abondamment démontré chez eux, et le problème, ce semble, peut être considéré comme résolu.

Si la ville du moyen âge ne peut être considérée comme un marché développé, elle est cependant l’œuvre des marchands. M. Rietschel a montré avec une précision admirable que toutes les villes de l’Alle-

  1. Sur le livre de M. Keutgen, voy. les comptes-rendus critiques de MM. von Below dans le Litterarisches Centralblatt, 1895, col. 1677 ; Liesegang dans le Jahrbuch für Gezetzgebung de Schmoller, 1897 ; G. des Marez dans la Deutsche Litteraturzeitung, 1897, col. 1220 ; G. Espinas, dans le Moyen Âge, janvier-février 1897.