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magne transrhénane doivent leur origine à des agglomérations de mercatores fixées sous les murs des burgen et des civitates. La vie municipale s’est développée tout d’abord en dehors des murailles de l’enceinte primitive, dans les faubourgs (suburbia), où sont venus se fixer de plus en plus nombreux, à partir du xe siècle, des immigrants demandant au commerce et à l’industrie de nouveaux moyens d’existence. Des deux éléments que l’on rencontre à l’origine des villes, le vieux bourg militaire et le faubourg commercial, c’est ce dernier, le plus récent, qui a exercé l’influence décisive et qui a finalement absorbé l’autre. C’est parce que certains endroits sont devenus de bonne heure le centre d’un commerce permanent que ces endroits sont devenus des villes. À ce point de vue, on peut dire que la ville est un marché, non pas, il est vrai, dans le sens de mercatus, mais dans le sens de forum. La langue peut être invoquée en faveur de cette manière de voir. Tandis, en effet, qu’elle ne donne jamais à la ville le nom de mercatus, elle la désigne très fréquemment par des mots qui dans le latin du moyen âge s’appliquent aux places de commerce, je veux dire forum, emporium ou portus.

Je voudrais insister un instant sur l’histoire de ce dernier mot, parce qu’elle me paraît pouvoir apporter à la thèse de M. Rietschel une confirmation éclatante. On le rencontre très fréquemment dans une des contrées de l’Europe septentrionale où la vie urbaine s’est développée le plus hâtivement et avec le plus d’énergie, c’est-à-dire en Flandre. Dès le IXe ou le xe siècle, toute une série de localités du bassin de l’Escaut portent dans les textes le nom de portus, ainsi que l’on pourra s’en convaincre par la liste suivante :

Bruges. xie siècle : « In pago Flandrensi, in portu videlicet Brugensi » (Translatio 1a S. Bavonis. Mon. Germ. Hist. Script., t. XI, p. 597).

Gand. xe siècle. 941 « mansioniles omnes in portu Gandensi » (Van Lokeren, Chartes de l’abbaye de Saint-Pierre à Gand, t. I, p. 21, no 15. Cf. Van de Putte, Annales abbatiae S. Petri, p. 87). – 942 « censum quod accipitur de mansionibus que site sunt in portu Gandavo » (V. Lokeren, loc. cit., p. 28, no 18). – 951 « mansure que sunt in portu Gandavo » (Ibid., p. 27, no 21). Cf. de nombreuses mentions analogues dans des chartes de 964 (Cart. de Saint-Bavon, p. 7), 967 (Lot, les Derniers Carolingiens, p. 399), etc. – xie siècle : « Pertransivit ad portum Gandensem » (Vita S. Macharii, Mon. Germ. Hist. Script., t. XV, p. 618. Cf. Miracula S. Bavonis, Ibid., p. 595, 596, 597). Les très nombreuses chartes de ratification de possessions de Saint-Pierre de Gand (dans Van Lokeren, op. cit., passim) contiennent jusqu’au xiiie siècle l’expression « portus Gandensis. »