Page:Revue historique - 1898 - tome 67.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tournai. VIIIe siècle : « Tornaii porti » (Prou, les Monnaies carolingiennes, p. 33). – xie siècle : « Portus Tornacensis » (Vita S. Macharii, Mon. Germ. Hist. Script., t. XV, p. 616).

Valenciennes. Époque mérovingienne : « Valencianis portus » (Duvivier, le Hainaut ancien, p. 67). – xie siècle : « Portus navium » (Miracula S. Gisleni, Mon. Germ. Hist. Script., t. XV, p. 582)[1].

Le lecteur aura remarqué que l’on trouve dans cette liste le nom des plus puissantes communes flamandes du moyen âge. Ainsi, ces grandes villes doivent leur origine à des portus, c’est-à-dire à des étapes, à des débarcadères de marchandises, bref à des places de commerce. Aujourd’hui encore, en néerlandais, une ville s’appelle poort et un bourgeois est un poorter. Ces faits sont d’autant plus caractéristiques que nous ne possédons pas trace de fondation de mercatus dans les villes flamandes, ou que les marchés qui y ont été établis sont de date relativement récente et postérieurs à la formation des institutions municipales. Que conclure de là, sinon l’im-

  1. Le mot portus se rencontre naturellement dans bien d’autres régions que la Flandre. Il apparaît fréquemment dans les textes dès l’époque mérovingienne. Il désigne, non seulement un port de mer, mais tout endroit où l’on embarque ou débarque des marchandises : « Portus dictus a deportandis commerciis » (Isidore de Séville, Étymologie, l. XIV, ch. viii, §§ 39 et 40). Le tonlieu étant nécessairement perçu dans les portus, les seigneurs cherchèrent naturellement à multiplier ceux-ci (voy. Imbart de la Tour, dans Mélanges Monod, p. 76). Au xe et au xie siècle, les portus établis en dehors des villes sont encore nombreux. Voy. par exemple le Cartulaire de Savigny, éd. A. Bernard, nos 290, 437, 635, et le Cartulaire de Beaulieu en Limousin, éd. M. Deloche, nos 48, 50, etc. Les portus créés dans un intérêt purement fiscal ne prospérèrent pas et disparurent peu à peu. Seuls, ceux qui avaient été établis dans des conditions géographiques favorables devinrent des villes, parce qu’ils furent de bonne heure d’importantes places de commerce. Il en fut ainsi pour les premières villes de Flandre. Celles qui se trouvaient placées le long des cours d’eau se développèrent tout d’abord. Plus tard, celles qui se fondèrent loin des rivières conservèrent le nom de leurs aînées et furent, comme elles, appelées poort. Le nom de poort étant appliqué dès le xiiie siècle à toutes les villes, on oublia qu’il venait de portus et on le considéra comme la traduction flamande de porta. Cette fausse étymologie, adoptée dès le moyen âge (voy. de Pauw, Nécrologe de Saint-Jean de Gand, p. 71, 117, 180, etc., où Alta porta = hoogpoort, c’est-à-dire la ville haute), a été conservée par Warnkœnig et par la plupart des modernes. Elle est également insoutenable au point de vue historique et au point de vue philologique. La racine du mot poort est le cas oblique de portus considéré comme mot de la deuxième déclinaison. Voy. Kluge, Geschichte der Altgermanischen Dialekte, dans la deuxième édition du Grundriss de H. Paul. On trouve déjà dans Grégoire de Tours (Vita et Virtutes Eparchi. Script. rer. Merov., t. III, p. 557, § 13) « omnibus portis relictis. » En néerlandais, poort, devenu le nom de la ville, a perdu son sens primitif. Un port proprement dit s’appelle havene.