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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/464

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larité abusive avait pris racine de l’extrême difficulté de pouvoir mieux faire[1], peu de gens se déterminant d’aller dans un pays où l’on n’envoyait que des malfaiteurs et des libertins outrés pour s’en défaire honnêtement : cette concession était regardée pour lors, comme une autre Sibérie, dont le climat et le libertinage enlevaient au moins toutes les années un tiers des sujets que l’on y faisait passer.

La Compagnie espéra de vaincre ces obstacles par le choix des employés qu’elle se proposa d’y envoyer ; elle fit des conditions si avantageuses au Sr Le Juge, teneur de livres général de sa ferme du tabac, qu’il consentit de s’y rendre avec ses autres commis à l’effet d’y établir les écritures en parties doubles ; la Compagnie me permit de l’accompagner en qualité de second et nous partîmes en 1732.

Arrivés sur les lieux, le Sr Le Juge mourut six mois après[2], sans avoir commencé les premières dispositions de son ouvrage. Dans le courant de l’année les autres employés, à l’exception d’un seul qui était destiné pour Gorée, subirent le même sort.

Le désir de me distinguer me donna du courage, et le courage des forces ; j’entrepris tout seul le travail, j’en vins à bout, et la Compagnie reçut en 1733, pour la première fois, des livres complets de sa concession, dans la forme qu’elle le désirait et qu’ils lui sont venus depuis ce temps, toutes les années.

La Compagnie, plus satisfaite de ma besogne qu’elle n’aurait osé l’espérer, me récompensa de ce service en m’accordant les

  1. David fixe ici comme terme de la bonne administration du Sénégal l'année 1720, époque à laquelle André Bruë, directeur de cette colonie, rentra en France à la suite de sa seconde gestion. La date de sa première commission est du 8 mai 1697. — André Bruë fut le plus remarquable des administrateurs du Sénégal après Thomas Lambert. C’était ce dernier qui avait formé le premier établissement des Français à l’île de Bocos ; celui de l’île Saint-Louis est dû à Louis Caulier, commis d’une nouvelle compagnie de marchands normands, deux faits que l’on ignore.
  2. Il mourut en mer en revenant du Bisseau, le 7 mars 1733. Le sieur Lejuge avait succédé au sieur Levens et il fut remplacé par le sieur Devaulx, ancien sous-directeur. David portait alors le titre de teneur de livres général du Sénégal. La compagnie faisait de ce travail un objet si essentiel qu’elle ne voulut pas laisser David monter en Galam à son tour (Lettre des syndics et directeurs de la Compagnie des Indes, 7 septembre 1734). Par une autre lettre du 15 juin 1736, Pruneau de Pommegorge, auteur d’un livre fort intéressant sur la Nigritie, était désigné pour y monter. - Le premier établissement du commerce que nous connaissions en Galam est de 1689, par Louis Moreau de Chambonneau, dont nous donnons ici le vrai nom également ignoré.