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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/465

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deux cinquièmes de la gratification que ses directeurs généraux avaient auparavant.

Une affaire non moins importante, dont je ressens encore des incommodités, occupait la Compagnie depuis plusieurs années, sans pouvoir, non plus que le conseil supérieur du Sénégal, y trouver du remède. Elle avait un comptoir au Bisseau[1] qui, pour être enclavé dans les terres, se trouvait depuis longtemps à la mercy des nègres ; ils se faisaient donner les marchandises à volonté sans payer ; ils battaient les employés, les mettaient tous en sang à coups de sabre, aucun n’osait leur résister ; on avait inutilement tenté d’en enlever les effets, montant à plus de trois cent mille livres compris les dettes ; personne n’en trouvait le moyen. Le Sr Payen, ancien directeur de ce poste, s’était assez offert de l’entreprendre pourvu qu’on lui donnât deux frégates de 40 canons, avec 300 hommes de débarquement ; un présent de 15,000 livres, argent comptant, et une rente viagère de 5,000 livres, dans le cas qu’il réussît. La Compagnie rejeta cette proposition excessive, et donna de nouveaux ordres au Sénégal de tout tenter pour l’enlèvement de ces effets.

Les employés refusèrent tous unanimement de se charger de cette commission ; mon zèle me la fit prendre sur mon compte[2]. Je partis seul en 1736, au mois d’avril, sur un brigantin monté de 10 canons, avec 39 hommes d’équipage, sous prétexte d’aller à la traite ; comme je ne comptais pas de vaincre par la force les obstacles que je devais rencontrer, je me proposay, étant un peu instruit du local par des rapports généraux, de venir à bout de mes desseins par adresse.

Mon premier soin, en arrivant, fut de cacher mon dessein au commandant du comptoir. Je m’informay de sa situation, qui était devenue un peu plus mauvaise, pour s’être laissé trop longtems insulter. Les fréquentes disputes que les naturels du pays avaient avec les noirs, métis, Portugais, m’ouvrirent une porte pour le succès de mon entreprise. Je fomentay leur division ; elle s’accrut au point que, pouvant faire pencher la balance du

  1. Aujourd’hui Bissao ; en 1685, le sieur Delafond y traitait 1,800 nègres et près de 400 quintaux de cire. En 1697, le commerce de ce poste était entièrement abandonné ; mais Bruë le rétablit en 1700, avec la permission du roi noir, malgré les oppositions des Portugais. Il y avait alors laissé le sieur Castaing pour commis principal.
  2. David partit le 4 mai avec le bateau l’Aventurier. La Compagnie substituait alors à ce comptoir l’établissement de la traite dans la rivière au moyen de bâtiments qui devaient y être envoyés chaque année.