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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/466

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côté que j’aurais voulu, je me fis respecter des uns et des autres, et je me rendis, pour ainsy dire, leur maître par cette conduite[1]. Je suis fâché d’être forcé d’obmettre icy plusieurs faits intéressants qui me porteraient trop loin ; je me contenteray de dire que j’enlevay, dans 30 jours, tous les effets de la Compagnie, à l’insçû des employés, des gens du pays, et des Portugais ; j’en bonday mon petit navire, que je chargeay ensuite de noirs, et je me fis payer en effets comptants, par les débiteurs de la Compagnie, de la plus grande partie de ce qu’ils lui devaient depuis nombre d’années.

Épuisé de travail et de fatigue dans ce pays brûlant, j’arrivay à Gorée, où je tombay malade à toute extrémité ; mon état justifia pour lors le refus qu’avaient fait les employés du Sénégal de se charger de cette expédition dont la réussite les surprenait encore.

Destiné à remplir d’autres carrières, la Providence, et quelques jours de repos, me donnèrent la force de m’embarquer pour faire mon retour en France, où il ne me fut pas possible de reprendre ma première santé.

Pénétré des bontés de la Compagnie[2], je partis une seconde fois sur le navire la Victoire, destiné à croiser contre les interlopes ; nous eûmes le malheur de faire naufrage sur le banc de Tendel ; la Compagnie a esté informée dans le tems que, par la connaissance que j’avais du pays, j’eus le bonheur de sauver son équipage, en me mettant cent fois dans le risque de périr moy-même. Instruit avant mon départ de France qu’il devait y avoir à Portendick un autre vaisseau croiseur que nous avions ordre de relever en passant, je proposay de le faire avertir de venir à notre secours, mais personne ne voulut y entendre.

Je me jetay pour lors dans le canot avec quatre matelots, personne autre n’ayant voulu me suivre, pas même un domestique qui, jusque-là, m’avait été très-attaché ; nous voguâmes dans cet état pendant 10 lieues ; les lames nous couvraient de tems en tems à nous noyer, mais nous trouvâmes enfin le navire que nous cherchions, mouillé au large de Portendick. Je

  1. Pruneau de Pommegorge, membre du conseil du Sénégal à l’époque de David, fait de lui cet éloge, qu’il n’agissait que par voie d’insinuation. — « Il avait su si bien gagner l’amitié des nègres, dit-il, que pas un roy de ce pays ne lui refusait rien de ce qu’il demandait, même de former des établissements. »
  2. La Compagnie le nomma, en 1738, directeur général et chef des conseils de toute la concession du Sénégal.