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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/468

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tre voulut avoir l’avis des Srs Levens et Devaulx, qui m’avaient précédé dans l’administration du Sénégal, mais ils ne crurent pas que mon projet pût réussir ; j’insistay au contraire, et comme s’il n’en résultait pas un bien, il ne pouvait jamais en arriver de mal, la Compagnie eut ordre de me donner les siens pour l’exécution de mon plan.

Je me rendis pour cet effet, en 1739, dans la rivière de Gambie ; je commençay d’y traiter 500 noirs pour le compte de la Compagnie, je m’abouchay ensuite avec les Anglais du fort Jacques, avec lesquels je fis le traité que je m’étois proposé, c’est à dire de leur livrer 360 milliers de gomme pour 300 noirs, pièce d’Inde, qu’ils s’obligeaient de me fournir toutes les années, pendant dix ans.

La compagnie anglaise, dont les affaires allaient pour lors en décadence, ratifia ces conditions avec plaisir, et on les trouva en France doublement avantageuses, tant pour la Compagnie que pour nos colonies de l’Amérique ; nous ne donnions en gomme que notre excédant, qui nous importait peu, et nous tirions des Anglais un effet utile à nos Isles au détriment de leurs propres établissements. Dès que la compagnie anglaise eut fait passer ses premiers 360 milliers de gomme à Londres, celle des interlopes nationaux baissa de prix ; ils se découragèrent, et la compagnie anglaise, profitant de leur suspension, obtint du gouvernement qu’il ne leur serait plus permis de reprendre ce commerce. Dès ce moment, il ne parut plus d’interlopes sur nos côtes, nous eûmes toute la gomme, et le traité fut exécuté de bonne foi de part et d’autre, jusqu’en 1746, que je quittai la concession.

Un chacun pensera sans peine que la Compagnie applaudit dans le tems à ma négociation ; M. Orry m’en loua beaucoup, en 1742, à mon retour en France, où je fus encore obligé de venir pour réparer ma santé. On voudra bien me permettre d’observer que ce traité est encore une de ces choses que j’ai faites tout seul. Je vais rapporter tout de suite un autre événement qui m’est également propre ; on trouvera bon qu’après l’éloge que les ministres en ont fait, et les louanges que j’en ai reçues de leur part, je ne les soumette pas au jugement de tout le monde ; j’en parlerai donc ici en peu de mots, pour des raisons supérieures qui écloront quelque jour.

Le ministère désirait, depuis plus de 30 ans, de connaître la vérité des rapports obscurs qui lui avaient été faits des mines