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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/471

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Les eaux du Niger[1] venant à baisser, je reçus un courrier du fort Saint-Joseph de Galam, pour m’avertir de presser mon retour : cette nouvelle ne m’empêcha pas d’aller reconnaître la rivière de Falèmé, que je n’avais pas eu le temps de voir ; je fis encore 50 lieues par terre, je m’assurai qu’elle était navigable. Enfin, j’arrivai très à propos sur les bords du grand fleuve pour pouvoir encore descendre au Sénégal.

L’histoire de ce pénible voyage est écrite dans un journal que j’ai envoyé dans le temps à la Compagnie ; ce que j’ai souffert pourra se comprendre en disant que, de quarante personnes que j’avais menées avec moi, dont une seule m’avait accompagné à Bambouc, la moitié mourut de fatigue ; j’en ai moi-même été malade à la mort ; cependant je me serais disposé à retourner dans ce pays, si la Compagnie avait pu pendant la guerre faire face à tout, et m’envoyer les secours nécessaires pour achever l’édifice que j’avais si heureusement commencé.

En attendant la paix, je ne m’occupai plus qu’à conserver à la Compagnie et à l’État le domaine de la concession qui m’avait été confiée. J’en étais d’autant plus jaloux quelle avait entièrement changé de face sous mon gouvernement : j’en avais chassé les libertins et le libertinage, ce qui avait sauvé la vie à la plus grande partie des employés de mon temps et à ceux qui sont venus après ; on peut voir par les registres de la Compagnie qu’il n’en meurt pas le quart de ce qu’il en périssait autrefois.

J’avais eu le bonheur de porter son commerce au double de ce que mes prédécesseurs avaient fait, et au-dessus du quadruple de ce qu’il est aujourd’hui.

Je n’avance rien ici au hasard, ni de mon chef ; toute personne en trouvera les preuves à toutes les pages des livres de la Compagnie ; elle y verra une approbation suivie d’année en année, de toute ma conduite depuis 1729, jusques et y compris 1746 ; nulle plainte, aucun reproche, pas le moindre soupçon de mécontentement, n’ont jamais affaibli la satisfaction de la Compagnie qui a toujours fait la mienne : voyons présentement comment il serait possible que je fusse devenu tout à coup l’homme du monde le plus répréhensible dans tous les chefs de mon administration à l’Ile-de-France.

J’ignorais au mois de juin 1746 ce qui se passait en Europe ; je n’avais aucune connaissance des changements que la Com-

  1. C’est ainsi qu’on appelait encore le Sénégal.