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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/472

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pagnie se proposait de faire à l’Ile-de-France, lorsque je reçus de sa part une lettre qui m’apprenait quelle m’avait nommé à la place de M. de La Bourdonnais[1] ; cette nouvelle imprévue me surprit d’autant plus, que l’on me marquait d’ailleurs, que j’y avais été nommé par acclamation, sans qu’on eût pris les voix dans l’assemblée, malgré le nombre des postulants qui la sollicitaient ; cette circonstance me fait trop d’honneur pour n’en pas informer l’auteur du mémoire ; il pourra la tourner à mon désavantage, si j’ai manqué en quoi que ce puisse être à la bonne opinion que la Compagnie avait de moi et à sa confiance.

Les ordres que je reçus de sa part me pressaient extrêmement de partir ; je n’avais rien de ce qui pouvait m’être nécessaire ; je m’embarquai sur le vaisseau le Penthièvre, sans provisions, sans habits et sans linge suffisant pour un pareil voyage ; j’appareillai de Gorée le 28 juin 1746, sous l’escorte d’une escadre du roi commandée par M. de la Galissonnière ; il nous quitta à la ligne pour se rendre à l’Amérique et nous à l’Ile-de-France, où j’arrivai après une navigation assez heureuse, le 8 octobre de la même année ; je trouvai cette île pour ainsi dire déserte, et dans un dépourvu absolu de tout ; M. de La Bourdonnais en étant parti pour son expédition de Madras, ayant emmené avec lui toute la garnison, les meilleurs habitants en état de porter les armes, les ouvriers noirs et les nègres au service de la Compagnie, la subsistance de tant de monde avait tellement épuisé l’ile de vivres qu’il avait été obligé d’aller avec son escadre à Madagascar pour s’en procurer ; l’escadre de M. Dordelin, composée de cinq navires, dont un de 72 canons, était arrivée à l’Ile-de-France après le départ de M. de La Bourdonnais, ce qui l’avait mise encore plus à l’étroit. On ne put lui fournir un équipage convenable et des vivres pour lui faire continuer son voyage pour les Indes, qu’en désarmant deux de ses vaisseaux. L’Apollon et l’Anglesea, de 50 et 46 canons, les mieux armés de tous les navires qui soient venus dans l’Inde pendant la guerre, étaient aussi dans le port, sans en pouvoir sortir faute de vivres ; je leur fis donner le peu de farine que le conseil supérieur avait rassemblé avant mon arrivée comme une provision précieuse pour la subsistance de l’ile ; au moyen de ce secours, il remirent à la mer ; je me servis ensuite des équipages des vaisseaux qui étaient venus avec moi à l’Ile-de-France, pour armer quelques bâtiments que j’envoyai en traite à Madagascar.

  1. La date de sa commission est du 6 mars 1746.