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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/473

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Je me trouvai en état, par ces arrangements pris, au quart d’heure de recevoir et de ravitailler les débris de l’escadre de M. de La Bourdonnais de retour de Madras.

Un travail n’était pas fini qu’il s’en présentait quatre autres et toujours dans la pénurie de ce qui nous était nécessaire. Il fallut penser tout de suite à faire partir M. de La Bourdonnais, avec une escadre de quatre gros vaisseaux et une frégate dont j’avais ordre de lui laisser le commandement : ces navires arrivèrent en Europe avec leurs cargaisons, et j’expédiai encore un sixième vaisseau en droiture pour Lorient. Ce qui est dit ici en quatre lignes, me coûta un travail énorme, on ne s’imagine pas aisément tout ce qu’il y a à faire pour radouber gréer, mâter, armer et charger six vaisseaux à la fois, dans un pays court, isolé, et presque sans ressource.

Le départ de cette escadre diminua la consommation de nos vivres, mais elle nous priva d’un secours bien utile : l’île se trouva alors si dégarnie de monde, que si deux vaisseaux ennemis se fussent présentés pour l’attaquer, peut-être qu’ils s’en seraient rendus les maîtres. Cette situation me fit penser à chercher les moyens de suppléer par des retranchements, des coupures et des batteries au peu de secours que nous avions pour nous défendre. Je m’en ouvris à quelques-uns de nos meilleurs militaires et aux principaux habitants sur lesquels la charge de ces travaux devait tomber le plus à cause des noirs qu’il fallait qu’ils fournissent à la Compagnie, n’en ayant pas assez pour y suffire. Les uns et les autres reçurent ma proposition avec toute l’ardeur et la bonne volonté possibles ; les habitants me promirent de s’y prêter, mais ils m’observèrent en même temps que ce n’était pas assez de défendre la côte, qu’il fallait encore considérer que dans le cas d’une affaire, étant tous obligés de se présenter à l’ennemi, et conséquemment forcés d’abandonner leurs habitations, il était nécessaire de chercher dans l’île quelque endroit sûr, où leurs femmes, leurs enfants et leurs meilleurs effets pussent être à couvert de tout risque : ils me firent là dessus de si vives instances, et il était si essentiel de ne pas laisser ralentir leur zèle, que je consentis à leur demande ; je m’en applaudis bientôt, par le bon effet qu’elle produisit lorsque les Anglais parurent. Plus pratiques que je n’étais alors de l’intérieur de l’ile, les habitants me servirent de guides dans ses bois ; notre route nous mena à un poste presque inaccessible, sur le haut duquel il se trouva une superficie assez plate, d’environ mille pas géométriques, entourée presque de tous côtés par des fossés natu-