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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/474

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rels ou des précipices de 80, 100, et jusqu’à 150 pieds de profondeur à pic comme une muraille : on ne peut entrer dans cette péninsule que par une langue de terre d’un tiers de lieue de large qu’une simple redoute peut fermer et rendre ce poste inattaquable, n’étant pas possible d’y conduire de l’artillerie.

Les habitants furent si satisfaits de leur découverte, qu’ils commencèrent de se cotiser tous pour me fournir partie de leurs noirs ; j’en distribuai quelques uns sur cet endroit qu’ils nommèrent le Réduit, et j’employai le plus grand nombre à la construction de plusieurs batteries tant au vent que sous le vent de l’île, auxquelles la colonie a dû son salut. Mais les ennemis du bien et de la réforme que j’avais commencée dans l’île, en conséquence des ordres de la Compagnie, jaloux de l’ardeur avec laquelle on se portait à suivre ces travaux, qui ne pouvaient que me faire un honneur infini auprès de la Compagnie et augmenter sa confiance, firent tous leurs efforts pour détourner les habitants de continuer à fournir leurs nègres, sur le prétexte que la Compagnie ne leur saurait pas plus de gré, de laisser dépérir leurs habitations et de se ruiner pour elle ; leur bonne volonté commença de s’affaiblir, on en vint ensuite aux murmures, et peu de temps après, à dire ouvertement qu’ils n’étaient pas obligés de se ruiner pour la Compagnie, que c’était elle et non les habitants que l’on chasserait de l’île. Ces discours séditieux, qui ont rarement des suites lorsqu’on sait y remédier à propos, m’obligèrent de les forcer tous d’autorité à fournir leurs nègres : les mal intentionnés, surpris de ma fermeté, n’eurent plus de ressources que dans les différents prétextes qu’ils ne cessaient d’imaginer pour traîner le travail en longueur, ce qui n’empêcha pas qu’il ne fût achevé à temps.

Le soin de mettre l’île en état de défense et de la munir pour recevoir les escadres que la Compagnie m’annonçait, n’était pas le seul dont j’étais occupé ; M. Dupleix me mandait par plusieurs de ses lettres qu’il manquait généralement de tout, qu’il était sans vivres, sans argent et avec très-peu de troupes, qu’il ne pouvait désormais recevoir de secours que de moi, pour empêcher que les ennemis se rendissent les maîtres de Pondichéry. De la manière dont il me dépeignit son état, je craignis qu’il ne succombât à leurs premiers efforts ; cependant, j’avais des ordres exprès de la Compagnie de ne faire sortir aucun vaisseau des îles, que les différentes escadres quelle me promettait d’Europe ne me fussent arrivées : je savais que celle du vice-amiral Boscawen était partie d’Angleterre, le 28 du mois de no-