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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/475

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vembre 1747. Ces forces avaient jeté l’alarme dans tous nos établissements, ce qui m’engageait d’autant plus à ne pas me dégarnir de celles que j’avais pour la défense des îles ; ces réflexions me travaillaient beaucoup, mais toujours occupé des moyens de secourir Pondichéry comme l’objet le plus important, je combinai la route que l’amiral Boscawen devait faire, je comptai tout le temps qu’il pouvait employer dans sa navigation, et je trouvai par mes calculs qu’en faisant partir diligemment une escadre pour porter à M. Dupleix tout ce qui lui était nécessaire, elle pouvait encore prévenir l’arrivée des Anglais à Pondichéry.

Après m’être assuré de ma supputation, autant qu’il est possible de prévenir l’avenir, j’écrivis à la Compagnie ce que j’avais pensé et ce que j’allais faire contre ses ordres, ne doutant pas qu’à ma place elle n’agît de même ; je l’informai de l’armement que je préparais, d’une escadre de six grands vaisseaux armés en guerre, et de deux frégates, sur lesquels je fis charger trois millions d’espèces, des vivres, des munitions de guerre pour avitailler Pondichéry et quatre cent cinquante hommes de troupes : la justesse du projet, la combinaison de la marche dû vice-amiral Boscawen, que la Providence m’avait fait suivre pas à pas, et de la même manière que l’on savait alors en Europe qu’il l’avait faite, surprirent les ministres encore vivants aujourd’hui, Dieu merci, et toute la Compagnie : ma conduite fut aussi applaudie qu’elle consterna les ennemis ; on n’attendit pas d’apprendre l’arrivée de ce secours à Pondichéry pour dire qu’on ne craignait plus rien pour cette place ; la Compagnie, les actionnaires et le public s’en félicitaient réciproquement.

L’escadre ainsi annoncée partit le 24 avril sous le commandement de M. Bouvet[1]. Elle se rendit à la côte de Coromandel heureusement, où elle trouva l’escadre de l’amiral Griffin, plus nombreuse que la sienne, mais M. Bouvet lui donna le change par une manœuvre admirable, qui ne permit pas à cet amiral de le joindre, il mit à terre tout ce qu’il avait chargé pour Pondichéry, dont la situation changea entièrement de face : ce que j’en pourrais dire n’égalerait pas ce que M. Dupleix en écrivit au ministre et à la Compagnie, j’y renvoie l’auteur du mémoire.

  1. Jean-Baptiste-Charles Bouvet de Lozier, anobli en 1774, avait commencé à naviguer en 1722 sur les vaisseaux de Saint-Malo, et il était entré neuf ans après dans la marine de la Compagnie des Indes, — où il fut jugé plus tard comme le plus grand homme de mer et son meilleur manœuvrier. — Il s’illustra en 1739 par sa découverte des mers australes.