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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/477

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courir ; j’avais six gros navires dans le port qui dévoraient l’île par la consommation de ses vivres sans lui être d’aucune utilité ; j’y réussis et ils partirent, non sans peine ; ils arrivèrent à Pondichéry, où ils apprirent la levée du siège de cette place, et que la paix avait été faite en l’Europe, ce qui les obligea, après bien des escales, à faire leur retour en France.

Cette paix conclue en Europe me faisait espérer de pouvoir enfin me livrer tout entier à la réforme des îles et aux opérations nécessaires pour établir solidement et utilement ces deux colonies ; la tranquillité de la paix et l’aisance des habitants qui en est ordinairement la suite, sont des circonstances presque nécessaires pour l’exécution de pareils projets : malheureusement les troubles de l’Inde ont succédé immédiatement à la guerre d’Europe, et je me suis vu obligé de fournir aux Indes encore de nouveaux secours d’autant plus difficiles, que les îles, mal pourvues dans tous les temps, avaient été épuisées par les opérations forcées de la guerre : j’ai pourtant fourni ces secours, les circonstances dans lesquelles ils sont arrivés les ont rendus encore plus importants, et, si on veut juger de leur utilité, il n’y a qu’à consulter les lettres que la Compagnie et M. Dupleix m’ont écrites, chacun de leur côté, pour approuver ma conduite ; je me flatte qu’on pourra par-là connaître en même temps l’importance de ces colonies, et les services que j’ai eu le bonheur d’y rendre à la Compagnie dans le cours de mon administration.

Je craindrais de manquer à la satisfaction que je me suis proposé de donner à l’auteur du mémoire qui a demandé d’être instruit de ce que j’ai fait pour le bien intérieur de la colonie, si, après avoir mis sous ses yeux mes attentions, mes veilles et le salut des deux îles, je ne lui faisais pas une courte description de l’état où je les ai trouvées et de celui où elles sont actuellement.

Je fus extrêmement surpris, en arrivant à l’Ile-de-France, d’y voir beaucoup moins de colons que des gens de tout état, occupés entre eux d’un brocantage sordide, d’un trafic illicite, tant intérieur qu’au dehors, de diverses marchandises sauvées par la fraude ; on n’y avait point d’autre industrie ; je n’ose presque dire, par respect pour la Compagnie, que son nom y était à peine connu ; ceux qui croyaient avoir des idées plus justes de sa constitution, ne la regardaient que comme un établissement politique pour donner lieu aux plus habiles de s’enrichir ; de là, l’oubli des vrais intérêts, l’indifférence pour l’agriculture, l’éloignement du travail, à la place des soins, des attentions, qui sont le partage du citoyen, et qui forment les bonnes colonies. Tel