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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/478

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était l’esprit qui régnait dans les îles, lorsque j’y suis arrivé ; la fermeté, l’encouragement, l’exemple que je leur ai donné ont insensiblement banni ce désordre et fait place à des sentiments qui ont changé les premiers préjugés de leurs anciens habitants ; mais qui peut se représenter les difficultés que j’y ai rencontrées, les contradictions, les murmures, l’animadversion générale de presque tous les particuliers, accoutumés à ne rien faire, ou à vivre aux dépens de la Compagnie[1] ? Après leur avoir ôté tous les moyens de continuer leurs commerces illicites, je me donnai tous les soins possibles pour les amener à leurs véritables intérêts, et les porter au travail ; le temps, l’exemple et la persuasion en sont venus à bout ; ils ont embrassé les cultures pour lesquelles ils ont plus de facilité ou d’inclination ; ce changement a augmenté le produit et la force des différents quartiers : on n’y compte plus son bien-être que par le revenu qu’un chacun retire de son terrain ; il ne s’en fait plus de trafic comme ci-devant, on les cultive, on s’y attache ; aussi voit-on les récoltes en tout genre devenir abondantes ; celle du blé, que les ouragans rendent la moins certaine, m’a permis cependant, dans la dernière guerre, d’en faire passer deux cargaisons à Pondichéry et de demander à la Compagnie la moitié moins de farine qu’elle n’avait coutume de nous en envoyer.

La Compagnie a reçu les échantillons de soie que deux ou trois habitants[2] ont commencé de cultiver ; cette épreuve a disposé d’autres colons à les imiter ; ainsi l’on peut espérer qu’à mesure que les îles se peupleront, cet objet deviendra très-inté-

  1. Lozier-Bouvet, qui remplaça David, tenait à peu près le même langage dans une lettre du 31 août 1753 adressée à la Compagnie : « Quand on considère de près la constitution de cette colonie, les moyens qui ont concouru à la former dans ses commencemens, dans ses progrès, ceux à employer dans la suite ; quand on considère ensuite cette isle par rapport au commerce de la Compagnie comme port, comme relâche et qu’on joint à ces deux points de vue les événemens de paix et de guerre, les mutations des chefs et autres incidens, il semble que les abus sont ici comme naturels aux affaires et doivent naître sous les pas, et il n’est pas difficile de conclure que, sans une vigilance continuelle et une autorité invincible, ils se renouvelleront aussitôt qu’ils seront détruits. »
  2. Le sieur de Lanux s’occupa le premier avec succès de l’éducation des vers à soie, et les échantillons de ce produit qu’il envoya ainsi que le sieur des Blottières furent trouvés beaux (1750).— La Compagnie fit alors passer, tant pour la culture des mûriers que pour le tirage de la soie, plusieurs hommes sous la conduite d’un sieur Germain, qui devait avoir l’inspection de ces travaux sous les ordres de David.