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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/567

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croix, cet étendard de la foi, ce signe consolateur, devant des populations pauvres et malheureuses, comme pour leur apprendre que le Christ est né pauvre, a vécu malheureux et est mort persécuté ! Ces courageux apôtres, pensant que l’univers doit appartenir à la croix, et que toutes les nations doivent briser leurs faux dieux et se soumettre à l’Évangile, nous ont ouvert les portes de l’extrême Orient ; et le sang de leurs martyrs, criant vengeance, a amené la conquête de la Basse-Cochinchine. Se mêlant sans crainte et sans répugnance aux indigènes, les missionnaires acquièrent sur eux une influence considérable. Ils ont appris la langue annamite et ont traduit, dans cette langue, des passages de l’Écriture Sainte, des cantiques, des psaumes et des prières que les habitants convertis répètent en chœur, sur un ton monotone curieux à entendre. Grâce au zèle des missionnaires, la superstition, la croyance aux mauvais génies font place aux dogmes civilisateurs et consolateurs du christianisme. Encore quelque temps, et l’empire d’Annam aura beau se débattre et lutter contre la civilisation, il sera vaincu, et sa vieille société sera régénérée.

À côté, et se confondant presque avec le collège des Missions, se trouve l'École française de l’évêque d’Adran, établissement très-utile, qu’une pensée féconde du premier amiral qui aborda à Saigon créa le 21 septembre 1861. Cet officier général avait bien vite reconnu que, pour nous assimiler les Annamites, il fallait répandre parmi eux l’éducation, la langue et les usages français ; il avait aussi compris qu’en montrant aux indigènes qu’avec nos caractères latins, leurs enfants pouvaient acquérir en quelques mois la science que les lettrés mettent toute leur vie à acquérir : c’était porter un coup mortel à l’influence de ces mandarins lettrés. L’amiral voyait encore dans cette école une pépinière de futurs fonctionnaires dévoués à la France, connaissant les lois, les mœurs et les coutumes du pays, et appelés à rendre de grands services à la colonie.

Déjà les élèves lisent couramment leur langue, imprimée en caractère latins ; bientôt ils l’écriront. Ils lisent le français, que quelques-uns commencent à comprendre et à parler. Grâce à la sollicitude du gouvernement, des écoles ont été fondées dans diverses localités, et les élèves, montrant beaucoup d’intelligence et d’aptitude, ont fait de sensibles progrès.

Les débuts de cette institution furent pénibles. La population, nouvellement conquise et peu habituée à la sollicitude de ses gouvernants, ne comprenait, ne pouvait même comprendre une